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société lassée, qui a essayé de tout sans tenir à rien, privée de traditions comme d’avenir, et qui, après de brillantes espérances et de vives craintes, n’a plus de force que pour savourer languissamment le repos d’un jour! Toutes les opinions sont en France comme des voyageurs qui ont perdu leur route. Après avoir piétiné long-temps dans le sable pour la retrouver, long-temps interrogé un ciel nuageux, de guerre lasse ils se sont assis, sans trop songer qu’il faudra se relever ni dans quel sens il faudra reprendre la marche. Devant eux passe une troupe d’hommes bien approvisionnée, bien conduite, qui marche droit, sans s’inquiéter des longueurs, sans se plaindre des fatigues du chemin. La tentation de les suivre est grande, même chez ceux qui ne les connaissent pas. Voilà à peu près le sentiment que fait éprouver à toutes les âmes éprises du bien, mais déçues par les révolutions, le spectacle d’ardeur, de persévérance et d’unité que donne la propagande catholique.

Nous n’oserions affirmer que ce sentiment aille jusqu’ici fort au-delà d’une surprise qui par momens s’élève jusqu’à l’admiration. Le plus souvent, c’est un vif désir de connaître par quel secret l’église catholique sait durer lorsque tout passe, renaître quand tout périt, espérer toujours dans un monde et dans un siècle de déceptions. Une curiosité pleine de trouble, telle est en effet l’expression que nous avons cru lire habituellement dans ces auditoires nombreux qui se pressent au pied des chaires catholiques, sur le visage de ces jeunes gens à qui leur âge inspire un besoin de croyances que le temps actuel n’est guère propre à satisfaire. Que faut-il faire, non pas précisément pour son salut éternel (une préoccupation si sérieuse et qui paraît si lointaine est toujours rare), mais pour croire, mais pour penser, mais pour vivre de cette vie intellectuelle et morale nécessaire aux âmes élevées, et dont les inquiétudes ou les jouissances matérielles ne peuvent étouffer complètement le besoin? C’est la nourriture de cette vie-là que la génération nouvelle vient demander à l’église catholique. De l’accueil que recevra cette demande dépend l’avenir de notre société. Elle ne peut en effet demeurer long-temps, sans achever de se dégrader, dans l’abattement d’esprit et de cœur qui l’opprime, et si les convictions religieuses ne viennent la ranimer, nous cherchons vainement où sera le sel assez puissant pour lui rendre sa force épuisée. Rien n’est donc plus intéressant que de suivre toutes les phases de cette réaction salutaire : rien ne serait plus funeste que de la voir compromise par une fausse direction. Le moment actuel est précieux. Suivant qu’il sera bien ou mal employé, le retour, encore superficiel, des sentimens religieux peut être une véritable renaissance de santé ou un caprice passager de malade, une mode éphémère ou le point de départ d’une ère nouvelle. La religion peut être pour la