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de ces deux pays. Pendant que ces deux grandes puissances s’étudient à faire ressortir aux yeux de l’Europe le nombre des régimens et des canons dont elles peuvent disposer, la Turquie semble se ralentir de plus en plus dans les louables efforts qu’elle a faits précédemment pour se relever. À peine une difficulté est-elle surmontée, qu’une autre surgit ; à peine une population est-elle soumise au régime de la réforme, qu’une autre en rejette le joug salutaire. La Bosnie ne s’y est pliée qu’après une résistance sanglante ; l’Égypte ne l’a subie que par suite de l’épuisement auquel elle est réduite sous l’administration d’Abbas-Pacha. En même temps la vieille querelle des Druses et des Maronites parait sur le point de recommencer, et l’Albanie, de son côté, inspire quelques craintes. Les incidens les plus légers suffisent pour envenimer de pareilles dispositions et faire naître à l’improviste les complications les plus graves. L’armée ottomane serait-elle de force à faire face au péril, s’il se présentait dans de certaines proportions ? Il n’est pas douteux qu’elle ne se soit notablement améliorée depuis sa réorganisation à l’européenne ; néanmoins il n’est guère que la garde impériale qui réunisse, quant à présent, toutes les conditions d’une bonne armée. Les troupes des provinces, surtout celles des provinces d’Asie, n’inspirent aucune confiance à ceux qui ont pu les examiner de près et les voir à l’œuvre. Au contraire, les tribus qu’elles auraient à combattre dans l’hypothèse d’une insurrection un peu étendue sont en général aussi belliqueuses qu’entreprenantes. L’insuffisance de l’armée ottomane serait moins sensible et moins dangereuse, si l’on pouvait compter en toute certitude sur la prévoyance et l’énergie du gouvernement. Parmi les hommes qui ont été portés aux affaires par la dernière crise ministérielle, il en est deux sans doute qui sont doués d’une incontestable capacité, le grand-vizir et le ministre des affaires étrangères, Ali-Pacha et Fuad-Effendi. On s’accorde à leur reconnaître une étendue d’esprit bien supérieure à celle dont Réchid-Pacha a pu faire preuve dans les divers postes qu’il a occupés ; mais auront-ils plus de volonté que l’ancien grand-vizir ? Oseront-ils briser les obstacles devant lesquels il a toujours reculé ? Ali-Pacha et Fuad-Effendi sont jeunes encore et appartiennent à la seconde génération du parti de la réforme. La première a dit son dernier mot avec Réchid-Pacha. Si la seconde ne donnait pas une impulsion plus vive, plus décidée, plus générale à la réforme, il y aurait lieu peut-être de douter que cette vaste et généreuse entreprise atteigne jamais son but. Le danger ne serait pas seulement dans les forces que pourrait reprendre le vieux parti turc, dont les dernières crises ministérielles paraissent avoir ranimé les espérances, et qui déjà, assure-t-on, trouve un appui dans l’héritier présomptif de l’empire, Abdul-Asiz, frère du sultan. Les populations chrétiennes de la Turquie d’Asie, comme celles de la Turquie d’Europe, montrent pour leur développement politique et administratif autant de zèle que les Turcs mettent de lenteur à satisfaire cette légitime ambition ; condamnées à une trop longue attente, elles perdraient patience. Alors, sans nul doute, les élémens d’insubordination si nombreux dans l’empire éclateraient de toutes parts et sous toutes les formes. Si l’on compare l’état précaire de l’armée ottomane à la puissance militaire de la Russie et de l’Autriche, l’une et l’autre hostiles à la Turquie, on conçoit que les conséquences d’une pareille éventualité seraient incalculables.

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