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a-t-elle inauguré ? Quelle est la réforme, l’amélioration qui n’eût été infiniment plus possible sans elle qu’avec elle ? Dans ses tendances modérées, la révolution de février nous a donné les pouvoirs précaires, les autorités disputées, l’agitation en permanence ; dans ses tendances extrêmes, elle a apporté le socialisme. Les pouvoirs précaires ! ils vont finir, répudiés par le peuple lui-même. Ce qui eût été véritablement un monde nouveau, — monde sauvage et barbare, — le socialisme, est l’exécration du monde civilisé, de notre pays comme de tous les autres. Où seraient dès-lors les élémens d’une lutte de principes, d’un choc politique entre la France et l’Europe ? Voilà donc un point de vue où nous pouvons dire que la guerre n’est point dans la logique des choses. Il reste, dit-on, les ressentimens nationaux, les antagonismes de peuple à peuple, les désirs secrets d’agrandissement ; mais qui n’observe que, — d’une part, les esprits ont singulièrement changé depuis trente ans, les haines et les ressentimens se sont aff’aiblis sinon éteints, les relations se sont multipliées, les peuples se sont mêlés, les intérêts se sont confondus, — et que, d’un autre côté, avant de songer à s’agrandir ou à se faire la guerre, tous les peuples européens, toutes les nationalités européennes ont à se préserver d’un même danger et à contribuer d’un commun effort à raffermir la civilisation ébranlée et mise en doute ? Sous ce rapport donc encore au-dessus des mésintelligences secondaires, il y a une solidarité supérieure qui reste comme une garantie de paix. On nous dirait que la guerre est dans la logique des passions qu’il nous serait permis de ne la point voir dans la logique des choses, des nécessités politiques, des tendances morales, des intérêts matériels des peuples. C’est cette intime et forte vérité dont on a trouvé l’expression dans les paroles remarquables du prince Louis-Napoléon. Un autre mérite du discours de Bordeaux, c’est que, comme nous le disions, il ôte de la politique cette fatalité qui y joue souvent un si grand rôle, et, cette fatahté écartée, il reste l’idée simple et virile de la responsabilité pour les peuples, comme pour les gouvernemens, comme pour les individus. Oui, en effet, il est bon que les uns et les autres reconnaissent que les révolutions et les catastrophes n’arrivent pas toutes seules, que des fautes les préparent nécessairement, et que ces fautes qu’ils ont commises, ils auraient pu librement les éviter. C’est donc sous les auspices de la paix que s’annonce la prochaine transformation de la répubUque et du pouvoir. En principe, cette transformation est visiblement accomplie ; en fait, à quel jour et à quelle heure s’opérera-t-elle ? Ce n’est point à nous de dire ce que nous ne savons pas. Quoi qu’il en soit, la politique du nouveau régime de la France a son symbole dans ce discours de Bordeaux, qui est peut-être la dernière manifestation importante du président sous la république.

Sans quitter la Gironde d’ailleurs, ne trouvons-nous pas là une de ces questions qui ont leur place dans le discours du prince Louis-Napoléon et touchent à des intérêts de premier ordre pour le pays ? Nous voulons parler des communications directes à établir entre la France et le monde transatlantique. Chose surprenante assurément que ces communications n’existent point encore ! Ce n’est pas que cette question n’ait plus d’une fois préoccupé les assemblées et les gouvernemens antérieurs ; déjà, dès 1840, elle était l’objet d’un remarquable rapport de M. de Salvandy à la chambre des députés et d’une