Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 16.djvu/374

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
368
REVUE DES DEUX MONDES.

nouvelles divisions dans ce pays. Pour atteindre son but, la Prusse avait cru nécessaire de tenir secrètes ses négociations avec le Hanovre ; dans la suite, la défection de ses alliés prouva que, sans cette précaution, le projet de la réunion du Steuerverein au Zollverein aurait succombé sous l’influence des autres états. Cependant la marche que, contrairement à ses habitudes, la Prusse avait suivie dans cette question devint un sujet d’irritation pour une partie des membres du Zollverein. Dans le midi de l’Allemagne, on ne se faisait pas faute d’incriminer les intentions de la Prusse ; on disait que, sous sa politique purement commerciale en apparence, elle cachait un but d’agrandissement territorial. Nous croyons les adversaires de la Prusse mal fondés dans leurs reproches, car qui pourrait douter que, si la Prusse avait voulu réellement agrandir son territoire, elle n’eût choisi, pour hasarder cette tentative, les années 1848 et 1849 ? Le roi de Prusse n’a-t-il pas refusé alors la couronne de l’empire allemand ? N’a-t-il pas fait, dans l’intérêt de la paix générale, des sacrifices d’autant plus grands, que la cause de l’unité de l’Allemagne était gagnée dans le cœur de tous les vrais Allemands ? La Prusse a-t-elle cherché à profiter de la présence de ses troupes en Saxe et dans le grand-duché de Bade ? En se mettant à la tête d’une union restreinte, elle a voulu, dit-on, tirer parti de l’état de désorganisation où s’est trouvée un moment l’Autriche ; mais ignore-t-on qu’elle n’a pas employé alors la moitié de ses ressources pour réaliser l’union qu’elle projetait ?

Voyons cependant quel peut avoir été le but politique de la Prusse en concluant le traité du 7 septembre et en poursuivant le maintien du Zollverein. Si ce but avait été un agrandissement territorial, le moyen choisi serait purement illusoire, car, d’après les traités du Zollverein, chaque état, quelque petit qu’il soit, a le droit d’opposer son veto aux décisions de tous les autres. Cette situation est éminemment favorable à l’indépendance des états secondaires, et la Prusse n’a point cherché à la modifier. Dans la nouvelle union douanière, elle a assuré au Hanovre un droit de vote égal au sien. La proposition faite à Francfort par l’Autriche, — de faire prendre les décisions de la diète même à la simple majorité des voix, — a une signification bien plus grave que ne l’aurait été une proposition semblable de la part de la Prusse émise dans le sein du Zollverein. Le seul but politique que la Prusse pouvait et peut encore avoir dans le maintien du Zollverein serait celui d’exercer une influence sur le vote des autres états à la diète de Francfort ; mais une telle influence doit être considérée comme très morale et comme indispensable pour l’équilibre de l’Allemagne, car l’Autriche est assez puissante par elle-même, et elle saura toujours contre-balancer à la diète l’action de sa rivale. Il serait absurde de vouloir faire un reproche à la Prusse de ce qu’elle a agrandi son territoire par des con-