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LE ZOLLVEREIN ET L’UNION AUSTRO-ALLEMANDE.

citées par l’Allemagne à mesure que son commerce et son industrie se développaient. La diète n’a établi ni l’uniformité de juridiction ni l’unité du système des postes, moins encore l’unité du système commercial ; on ne lui doit pas même l’unité des poids, des mesures et des monnaies. La navigation sur le Rhin, l’Elbe et le Danube est encore aujourd’hui soumise à des restrictions douanières très onéreuses, et presque chaque état allemand a son système spécial de poids et de mesures. Quant aux monnaies, il nous suffira de remarquer qu’un guide anglais conseille aux voyageurs en Allemagne de se servir de monnaies françaises. L’union douanière a fait prévaloir l’usage du poids d’un quintal de douane[1], mais ce poids n’est employé que dans les bureaux des douanes et jamais sur les marchés mêmes. La diète ne s’est pas davantage occupée des brevets d’invention, en sorte que si tel ou tel état de l’Allemagne refuse d’en délivrer un à l’inventeur, ce dernier n’a aucun recours contre cette décision. Elle a presque exclusivement porté son attention sur les mesures propres à étouffer l’élément révolutionnaire, et dans cette voie même elle s’est aliéné l’esprit populaire, principalement en ordonnant, par les décrets de Carlsbad du 20 septembre 1819, l’institution d’une commission centrale d’examen, d’une censure plus sévère et d’une surveillance plus rigoureuse des universités. Diverses mesures exceptionnelles, telles que le décret, du 28 juin 1832, dont le but était de fortifier la monarchie au détriment du principe représentatif, ne pouvaient qu’augmenter l’impopularité de la diète. Les gouvernemens eux-mêmes en vinrent à sentir la nécessité d’une réforme, et, dans un curieux écrit publié en 1848[2], M. de Radowitz a prouvé que la Prusse avait, bien avant 1848, fait des efforts pour opérer une pareille réforme de concert avec l’Autriche : efforts qui ont échoué contre la résistance du prince de Metternich. Si nous insistons sur ces faits, c’est parce qu’en France on est trop porté à croire que le grand mouvement de l’Allemagne dans ces dernières années n’a été occasionné que par des idées chimériques, et parce que de l’insuccès on a cru pouvoir déduire l’absurdité des projets mêmes. Cette méprise s’explique d’ailleurs, et la France était, en 1848, trop occupée de ses affaires intérieures pour donner une attention suivie à celles de l’Allemagne.

De 1815 à 1848, les efforts de la diète se concentrent donc sur le maintien de l’équilibre allemand et la défense des principes de la monarchie absolue : les tendances vers l’unité trouvent dans la haute assemblée

  1. Un quintal de douane (50 kilogrammes) vaut 89 livres 1/4 de Vienne, et une livre de douane vaut 28 demi-onces 56/100 de Vienne. Que d’embarras dans les plus simples calculs !
  2. Deutschland und Friedrich Wilhelm IV (l’Allemagne et Frédéric Guillaume IV). La première édition a paru sans nom d’auteur, la seconde sous le nom de M. de Radowitz.