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Équilibre, unité, ces deux mots caractérisent deux époques bien distinctes : l’une représentée par les travaux de la diète germanique de 1815 à 1848 ; l’autre très courte, remplie par les tentatives de l’assemblée constituante de Francfort et quelques essais postérieurs. Occupons-nous d’abord de la première époque.

Aucune constitution n’a été, il faut bien le dire, aussi peu appropriée aux besoins d’une grande nation que la constitution fédérative allemande de 1815 ; aucune ne répondait moins aux rapides progrès que la civilisation avait faits dans les dernières années du XVIIIe siècle au-delà du Rhin. La constitution de 1815 n’eut quelque pouvoir qu’au point de vue militaire, par la création d’une armée fédérale destinée à repousser les attaques de l’étranger : ce n’était d’ailleurs là qu’une conséquence obligée des longues guerres qui venaient d’avoir lieu et de la position géographique de l’Allemagne, qui, à l’ouest et au nord, se trouve à découvert en face de la France et de la Russie ; mais, pour tous les autres intérêts des états allemands, la diète de Francfort est restée de beaucoup au-dessous de sa tâche. On sait que le pacte de Vienne a fait de l’Allemagne, non pas un état fédératif comme par exemple les États-Unis ou la Suisse, mais une fédération d’états isolés sans aucune unité réelle. Pour donner plus de garanties aux intérêts individuels, on a stipulé que toutes les décisions importantes devront être prises à la majorité des deux tiers de l’assemblée plénière des états (plenum), formant un ensemble de 70 voix ; dans le conseil restreint (ou commission exécutive), composé de 17 voix seulement, la majorité simple suffit. Toutes les fois cependant qu’il s’agit d’accepter ou de modifier des lois fondamentales ou des lois organiques de l’union, de décider sur les droits individuels ou sur les intérêts religieux, il faut l’unanimité dans les deux assemblées. Or la répartition des voix entre les différens états est telle que la marche des délibérations se prolonge presque toujours à l’infini[1].

La diète de Francfort étant un instrument d’équilibre, mais non de progrès, il ne fallait guère en attendre les réformes matérielles solli-

  1. Dans l’assemblée plénière, l’Autriche, la Prusse, la Bavière et le Wurtemberg comptent chacun pour quatre voix ; le grand-duché de Bade, les deux principautés de Hesse, le Holstein et le Luxembourg ont chacun trois voix ; le Brunswick, Schwerin et le Nassau, chacun deux ; les autres états, chacun une voix. Dans le conseil spécial, l’Autriche, la Prusse, la Bavière, la Saxe, le Hanovre, le Wurtemberg, le grand-duché de Bade, le Holstein, le Luxembourg et les trois états de Hesse-Cassel, de Hesse-Darmstadt et de Hesse-Hombourg comptent chacun pour une voix, les duchés de Saxe pour une voix, Brunswick et le Nassau ensemble pour une, les deux duchés de Mecklenbourg pour une, les trois duchés d’Anhalt pour une ; les deux principautés de Schwarzbourg pour une, les deux Hohenzollern, Reuss, Lichtenstein, Lippe et Waldeck pour une, et enfin les quatre villes libres également pour une voix. Qu’on se fasse maintenant une idée de la lenteur avec laquelle ont lieu les délibérations des assemblées !