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donna un nouvel être. » Au bout de quelques mois, M. Francquet reconnut que sa vieillesse et ses infirmités l’empêchaient de remplir convenablement sa charge de contrôleur, et qu’il ne pouvait mieux faire que de la céder au jeune Caron, moyennant une rente viagère garantie par le père de ce dernier.

En présence de la carrière nouvelle qui s’ouvrait devant lui, le jeune horloger renonça à sa profession et fut investi de la charge de contrôleur clerc d’office par brevet du roi, en date du 9 novembre 1755[1]. Cette première fonction de cour remplie par Beaumarchais différait de plusieurs autres en ce qu’elle n’était pas absolument une sinécure. Sous la direction du contrôleur ordinaire de la bouche se trouvaient seize contrôleurs clercs d’office qui servaient par quartier, quatre par trimestre. Leurs attributions sont ainsi définies dans l’État de la France pour 1749 : « Les contrôleurs clercs d’office font les écrous ordinaires et cahiers extraordinaires de la dépense de la maison du roi, et ont voix et séance au bureau. Ils ont 600 livres de gages, dont ils ne touchent que 450, et des livrées en nature, environ 1,500 livres… Les contrôleurs sont du corps du bureau dans les repas et festins extraordinaires où le bâton n’est pas porté, ils servent la table du roi l’épée au côté et mettent eux-mêmes les plats sur la table. Par subordination aux maîtres d’hôtel et aux autres officiers supérieurs, ils ont commandement sur les sept offices de la maison, dont les officiers doivent leur obéir pour ce qui regarde leur charge. Ils ont leur bouche à cour à la table des maîtres d’hôtel ou à celle de l’ancien grand-maître. Un de ceux qui servent chez le roi peut aussi venir manger à la table des aumôniers. » Enfin, dans le règlement de 1681, fait par Louis XIV pour sa maison et maintenu par ses successeurs, article 21, il est dit : « La viande de sa majesté sera portée en cet ordre : deux des gardes marcheront les premiers, ensuite l’huissier de salle, le maître d’hôtel avec son bâton, le gentilhomme servant pannetier, le contrôleur général, le contrôleur clerc d’office, et ceux qui porteront la viande, l’écuyer de cuisine, le garde-vaisselle, etc. » On voit d’ici le futur auteur du Mariage

  1. Voici un extrait de ce brevet dans lequel Beaumarchais porte encore le nom de Caron tout court : « De par le roy. — Grand-maître de France, premier maître et maîtres ordinaires de notre hôtel, maîtres et contrôleurs bouchaux de notre maison et chambre aux deniers, salut. Sur le bon et louable rapport qui nous a été fait de la personne du sieur Pierre-Augustin Caron et de son zèle et affection à notre service, à ces causes nous l’avons cejourd’hui retenu et par ces présentes signées de notre main retenons en la charge de l’un des contrôleurs clercs d’office de notre maison, vacante par la démission de Pierre-Augustin Francquet, dernier possesseur d’icelle, pour par lui l’avoir et exercer, en jouir et user aux honneurs, autorités, prérogatives, privilèges, franchises, libertés, gages, droits, etc.

    « Donné à Versailles sous le scel de notre secret, le 9 novembre 1755.

    « Louis. »