long-temps dans une situation qui m’impose la responsabilité de mesures qu’on ne me laisse plus diriger. » Pitt et lord Temple donnèrent leur démission ; mais la cour eut l’habileté de couvrir de ses faveurs la retraite de Pitt, afin de l’empêcher de tomber du pouvoir avec toute sa popularité. On donna à sa femme la baronnie de Chatham, et à lui une pension de 3,000 livres sterling. La tumultueuse Cité de Londres, dont Pitt était le héros, fut près de le brûler en effigie à cette nouvelle. Pitt y releva son crédit par une lettre à l’alderman Beckford, qui fut publiée par les journaux, et où il exposait les motifs de sa retraite d’un ton qui annonçait de sa part une véhémente opposition contre le gouvernement.
Pitt fut remplacé à la direction de la politique étrangère par un tory, lord Egremont, qui était fils de l’un des adversaires les plus considérables de Walpole, sir William Wyndham, et qui était beau-frère de George Grenville. Il se forma dès-lors au sein du ministère une espèce de junte suprême composée de lord Bute, de lord Egremont et de George Grenville ; ces trois personnages se partagèrent le gouvernement. Le pauvre duc de Newcastle se vit exclu de tout : il avait les finances et le titre auquel est ordinairement attaché en Angleterre le rang de premier ministre, il était premier lord de la trésorerie ; mais toutes les grandes affaires se délibéraient et se décidaient en dehors de son influence. Lord Bute ne le consultait sur rien et ne l’informait de rien. Malgré sa tenace passion pour les emplois, le vieux duc ne put résister long-temps au ridicule et à la honte de sa situation. Il demanda au roi la permission de se retirer. George ne fit pas même une démonstration de politesse pour le retenir. « Jamais ministre n’a été aussi brutalement renvoyé, » disait lui-même le duc de Newcastle. Une fois sa démission acceptée, le roi lui fit offrir une pension, qu’il eut la dignité de refuser. Lord Bute prit alors la trésorerie, et, de nom commode fait, fut premier ministre.
Cependant la grande œuvre de lord Bute, la paix, allait se conclure, et avec elle allaient commencer les grandes difficultés du gouvernement dans la chambre des communes. Il s’agissait de faire voter les préliminaires de la paix. Le leader ministériel dans la chambre était George Grenville. La raideur de son caractère et la pesanteur de son esprit le rendaient peu propre à ces fonctions dans un moment où le ministère avait besoin de tenir tête à d’éloquens adversaires et de gagner les votes, sinon les convictions. Lord Bute eut recours à Fox, il força George Grenville à céder à Fox la direction de la chambre des communes. Grenville n’y consentit qu’en murmurant et après avoir ennuyé le roi d’un de ses pédantesques sermons. « Monsieur Grenville, lui répondit le roi, il faut prendre des méchans pour gouverner les méchans. » Grenville s’accommoda de cette raison, mais plus encore