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LE GOUVERNEMENT REPRÉSENTATIF SOUS GEORGE III.

trés peu jaloux de peser ouvertement et personnellement sur la direction des affaires. Un instinct très sensé éclairait ces flegmatiques natures de princes ; ils avaient le sentiment de la fragilité de leur trône. Le souvenir salutaire des révolutions anglaises les avertissait que les rois d’Angleterre n’usent de leur initiative qu’à leurs risques et périls ; ils avaient compris la leçon, et George Ier déclara souvent dans son intimité qu’il aimait mieux laisser retomber la responsabilité du gouvernement sur la tête de ses ministres que de l’attirer sur la sienne. Cependant le second George eut quelques velléités de rébellion contre la domination hautaine des grands seigneurs whigs. Il existe un monument curieux de ces révoltes latentes : c’est une conversation du lord chancelier Hardwicke avec le roi, conservée par lord Hardwicke lui-même. C’était en 1745 ; Pitt et ses amis venaient d’entrer dans les postes inférieurs du ministère par le patronage de Pelham et de lord Hardwicke. Le roi avait résisté de toutes ses forces à la nomination de ses nouveaux ministres ; il ne pardonnait pas à Pitt ses attaques furibondes contre la politique hanovrienne. Lord Hardwicke vint voir le roi avant l’ouverture de la session pour l’engager à donner sans restriction son appui moral au cabinet. George laissa parler un quart d’heure le chancelier sans vouloir répondre un mot. Le chancelier fit valoir au roi le démenti que Pitt et ses amis allaient infliger à leurs, déclamations passées en défendant les mesures projetées à l’égard des troupes du Hanovre.

— Quant à cela, dit le roi, à qui le dépit ouvrait enfin la bouche, si cela leur déplaît, je m’en soucie peu. Je rappellerai mes troupes pour défendre mes possessions.

— Mais, sire, il reste encore quelque chose de très important ; il faut améliorer la situation qui vous est faite par le concours de vos nouveaux ministres et ne pas laisser perdre ces avantages.

— J’ai fait tout ce que vous avez voulu, j’ai mis tout mon pouvoir dans vos mains, et je suppose que vous en tirerez tout le parti que vous pourrez.

— La disposition des places ne suffit pas, si votre majesté s’efforce de montrer au monde qu’elle désapprouve son ouvrage.

— Mon ouvrage ! J’ai été forcé, j’ai été menacé.

— Je suis affligé de voir votre majesté employer de pareilles expressions. Je ne sais de quelles menaces, de quelle contrainte elle veut parler.

— Oui ; on m’a dit qu’on me ferait de l’opposition.

— Ce n’est pas moi, sire, ni aucun de mes amis… Mais, pour revenir à l’objet de ma conversation, au meilleur parti à tirer de votre situation présente…

— On aurait pu opérer des changemens dans l’administration en