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REVUE. — CHRONIQUE.

pour objet de resserrer l’union des états du nord. Quelques esprits vont jusqu’à y voir le symptôme d’une résolution arrêtée à Berlin de rompre les négociations avec les états du midi et de reconstituer le Zollverein sans eux. La polémique de la presse dans les deux camps présente la physionomie la plus animée. Toutes les passions sont en jeu ; les préjugés du midi contre le nord les ressentimens du nord contre le midi se donnent libre carrière. Il n’est pas jusqu’aux intérêts religieux qui ne se mêlent à ces débats de plus en plus sérieux. Les catholiques du moins croient reconnaître, dans les mesures sévères dont ils sont depuis quelque temps l’objet en Prusse, le désir de flatter le protestantisme des petits états, afin de les mieux rattacher à la cause prussienne. L’Autriche, de son côté, déploie la plus grande activité pour conserver le dévouement de ses alliés. La Prusse, dans ces derniers temps, se plaisait à railler les embarras financiers de sa rivale et à y puiser des argumens contre l’union austro-allemande, dont les recettes, suivant le parti prussien, seraient compromises par la dépréciation du papier-monnaie de l’Autriche. Le cabinet de Vienne travaille avec autant de succès que d’ardeur à remettre ses finances dans leurs conditions normales. On sait que, durant la grande crise qui a commencé en 1848 et n’a fini qu’avec l’année 1850, la banque de Vienne est venue au secours de l’état par tous les moyens que lui permettaient ses ressources et son crédit. Tout en se proposant de donner une impulsion nouvelle aux magnifiques voies de communication qui couvrent déjà en partie les provinces occidentales de l’empire, le gouvernement tient à se libérer des dettes qu’il a contractées envers la banque. De là le nouvel emprunt de 80 millions qui vient d’être ouvert à Vienne. La promptitude avec laquelle les capitalistes autrichiens ont répondu à l’appel qui leur était fait, le surplus de 30 millions qui s’est trouvé souscrit dans cet élan de confiance, témoignent assez de l’amélioration qui s’est opérée dans l’état matériel de l’empire et de la vigueur avec laquelle il se relève. Dans la sollicitude qu’il montre pour ses finances, le gouvernement autrichien est loin pourtant de négliger ses forces militaires. Il ne veut point que l’on oublie de quel effectif il dispose et combien ses troupes sont instruites et disciplinées. Entre le voyage qu’il a accompli en Hongrie avec tant de bonheur et celui qu’il se propose de faire dans quelques jours en Croatie, au milieu de populations non moins dévouées, le jeune empereur a résolu de se donner le spectacle d’un camp et de renouveler, dans les célèbres plaines des environs de Pesth, les grandes manœuvres qui ont eu lieu si souvent depuis quelques mois sur divers points de l’empire. Les armées de la plupart des états de l’Europe y sont représentées par des officiers-généraux ; mais les principaux honneurs de ces fêtes sont naturellement pour le fils du tsar, le grand-duc héritier. C’est l’hymne national de la Russie que les musiques militaires jouent de préférence au défilé. Bien que le tsar ne paraisse point approuver les ambitions commerciales de l’Autriche, l’alliance austro-russe, qui s’était refroidie dans les derniers temps de l’administration du prince Schwarzenberg, paraît donc se raffermir et se resserrer. Les deux gouvernemens ne cessent du moins d’échanger les témoignages d’une sincère amitié.

La Russie vient d’être témoin d’un événement bien rare dans un pays où le principe de la stabilité est le dogme fondamental de l’état : le personnel