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banqueroutier qui veut passer pour honnête homme, même aux yeux de ceux qu’il a dupés, et qui a du goût pour les arts ; mais l’idée n’a pas suffisamment pris corps. Stella atteint à un degré d’imprévu extrêmement rare : d’une scène à l’autre, le fil échappe, on ne comprend plus, et on arrive ainsi jusqu’au bout, où on ne comprend pas davantage. Intrigue et caractères sans réalité, scènes sans vraisemblance et sans lien, telle est donc l’œuvre nouvelle. On disait plaisamment que l’auteur avait retrouvé la grande comédie ennuyeuse ; c’était une spirituelle calomnie, au moins en un point : Stella n’est ni une grande ni une petite comédie. Ce n’est un succès ni pour le Théâtre-Français, qui semble trop s’accoutumer aux tentatives de ce genre, ni pour l’auteur, qui peut à coup sûr employer plus heureusement un talent quelquefois mieux inspiré. Comme il est bien vrai cependant que chaque œuvre nouvelle produite à nos yeux démontre de plus en plus la nécessité pour les esprits de se replonger dans l’étude, de s’épurer au contact des immortels modèles, de retrouver le secret des justes inventions, des combinaisons simples, des peintures fidèles de la vie humaine, et d’un langage plus conforme à notre génie littéraire ! Certes ces symptômes intellectuels ne sont pas sans importance ; ils sont au moins aussi sérieux que les symptômes politiques, qui nous ramènent au courant des affaires contemporaines de la France et de l’Europe.

Nous avons dit où en était la France dans son mouvement intérieur. Maintenant voici les complications qui renaissent au sujet de la Belgique. Un moment, on a pu croire que toutes les difficultés étaient apaisées. Il n’en était rien ; ces difficultés, au contraire, entrent dans une phase nouvelle déterminée par un récent décret du gouvernement français, qui élève le droit sur les houilles et les fontes de nos voisins, et il vient s’y joindre aujourd’hui, pour la Belgique, une crise ministérielle qui, cette fois, doit entraîner définitivement la chute du cabinet dont M. Rogier était le chef. Fixons rapidement à ce double point de vue la nature des complications actuelles. Qu’avaient fait les conventions du 22 août dont nous avons parlé ? Elles réglaient un intérêt précis, déterminé. L’une de ces conventions stipulait la garantie de la propriété littéraire, l’abolition de la contrefaçon, et en échange de cette concession long-temps poursuivie auprès du gouvernement belge, la France, par une seconde convention, consentait à une réduction assez considérable de ses tarifs sur certains produits de la Belgique, tels que les papiers, houblons, cotonnettes, bestiaux, etc. Mais, en dehors de cet intérêt d’une nature spéciale, il restait toujours à régler l’ensemble des rapports commerciaux des deux pays, par suite de l’expiration du traité de 1845. Qu’on le remarque bien : les faveurs que se font réciproquement les nations dans leurs rapports commerciaux, quand même elles ne seraient point inscrites dans les mêmes transactions, sont toujours corrélatives. Il est évident, par exemple, que nos tarifs de faveur sur les houilles belges correspondaient au traitement également favorable que trouvaient en Belgique certains objets de notre commerce. Or qu’est-il arrivé ? D’une part, le traité de 1845 expirant, nos vins et nos soieries notamment cessaient de jouir des faveurs qui leur étaient garanties par ce traité, faveurs dont la Belgique d’ailleurs avait accordé le bénéfice à l’Allemagne, — et d’un autre côté les houilles et les fontes belges