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Le roman abolitioniste
en Amérique.


Uncle Tom’s Cabin, or Negro Life in the slave states of America,
by Harriet Beecher Stowe ; London, George Routledge, 1852.


Le siècle est fier de ses chemins de fer et de ses bateaux à vapeur, dont la merveilleuse vitesse a conquis le temps et l’espace ; il est fier de ses télégraphes électriques, qui luttent de promptitude avec la pensée, et de ses mille inventions mécaniques, qui facilitent les communications internationales et les relations humaines. Cependant il est un phénomène moral tout moderne, dont les siècles précédens n’avaient aucune idée : c’est la rapidité plus merveilleuse encore avec laquelle toutes les douleurs, toutes les souffrances trouvent un interprète et une voix. Le temps où Lazare avait besoin de se montrer au grand soleil à la porte du riche, d’étaler ses plaies aux yeux des passans, de disputer en plein midi son repas aux chiens, et de se faire chasser ostensiblement pour devenir un objet de sympathie et le sujet des paraboles divines, ce temps-là n’existe plus. Aujourd’hui, dans quelque endroit que soit cachée la douleur, dans quelque coin ignoré que se commette l’injustice, un œil invisible regarde, et une voix inconnue vient rendre témoignage des oppressions exercées et des souffrances subies. Pas plus qu’autrefois, le bien ne domine ; comme autrefois, le mal triomphe, mais le mal est devenu incapable de garder ses secrets : il n’a plus en vérité ni discrétion ni prudence. À peine a-t-il