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L’ANTIQUITÉ ET LES PÈRES DE L’ÉGLISE.

dans le nombre de ces esprits féroces, qui retrouvaient dans les poèmes de Virgile un esprit chrétien ! Plusieurs citaient le sixième livre de l’Enéide comme un cantique. Enfin la quatrième églogue avait été traduite en vers grecs, et elle avait été lue au concile de Nicée comme une prophétie annonçant l’étoile qui se détache du ciel et s’arrête sur l’étable de Bethléem ! — Et voilà pourtant le poète qui, dit-on, a supporté, plus violemment que tous ses confrères, le terrible index des puritains de 1852 ! — Les cruels ! ils ont traité Virgile à peu près comme Celse est traité par Origène, ou comme Tertullien traite Marcion !

Eh bien ! ce terrible et implacable Tertullien, il avait souvent des vers de Virgile à la bouche, et même il le traduisait avec bonheur, lorsque, parlant de la renommée, il l’appelle : un monstre que rien n’égale en vitesse :

Fama malum que non aliud velocius ullum !

Et pourtant il n’aime guère l’antiquité, il ne lui fait pas bon visage, il la traite avec une profonde horreur, l’accusant de toutes les persécutions sous lesquelles se débat l’Évangile. C’est même là un des caractères de la haine vigoureuse que porte l’église au paganisme, elle n’y voit que des idoles impuissantes, des vices sans nom, des désordres honteux. « Vous appelez dieux des fantômes dont nous ne voudrions pas pour nos démons ! » C’est du pur Tertullien. Il dit aussi quelque part : « Ce repos de l’empire et cette paix profonde où nous sommes, vous les devez à nos prières, c’est nous qui désarmons le ciel, c’est nous qui forçons sa clémence, et, lorsque nous avons obtenu grâce pour le genre humain, vous en remerciez cet escroc de Jupiter ! » Et cum miseriam extorserimus, Jupiter honoratur !

Mais quoi ! plus profonde est leur horreur du paganisme, et plus il faut leur tenir compte de leur admiration pour les poètes païens ! Ils ont quelque chose en eux-mêmes, ces chrétiens farouches, qui leur fait aimer, malgré eux, ces beautés, ces grâces, ces charmes, cet atticisme dont ils s’inquiètent, cette urbanité qu’ils recherchent souvent et qui ne les fuit pas toujours. Ils aiment l’ordre et tous les charmes de l’ordre ; ils aiment l’esprit et la lumière ; ils honorent le génie, ils ont un profond sentiment de la grandeur, ils se ressentent d’Athènes, ils se rappellent la ville éternelle ; l’un d’eux s’écrie à l’aspect du Capitole habité par saint Pierre : Stet Capitolium fulgens ! C’est un mot d’Horace. Ils ont salué dans leur jeunesse la colonne de Trajan, la colonne d’Antonin, le jardin d’Horace, le palais de Mécène aux Esquilles et le cirque de Néron ! Ils tiennent par leur génie, ils tiennent par leurs études et par leur naissance à Rome, à la Grèce, à l’Asie, à l’Occident, à l’Afrique, aux mondes éclatans, aux mondes obscurs ; ils ont vu de l’antiquité même les fantômes, même les miracles, même les songes et les der-