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de la transformation de l’état politique de la France ; on sait le résultat. Un souffle du pays a fait évanouir la république comme une ombre, ou plutôt a fait disparaître un nom qui ne s’accordait plus avec la réalité des choses. Deux fois en un demi-siècle il en aura été ainsi pour l’instruction d’un peuple tout entier et pour l’humiliation éclatante des propagateurs d’abstractions révolutionnaires.

Ainsi donc voilà le second empire inauguré solennellement en France. Paris a pu assister à cette inauguration qui coïncidait avec l’anniversaire du 2 décembre ; il s’est endormi la veille sous une république nominale pourvoir le lendemain rentrer un souverain aux Tuileries dans toute la pompe monarchique. Trois jours plus tard, la proclamation de l’empire se faisait simultanément dans toutes les communes de France, jusque dans les plus humbles villages. Enfin tous les gouvernemens de l’Europe viennent successivement reconnaître le régime nouveau sorti de l’urne populaire le 21 novembre. On pourrait même remarquer un certain empressement des puissances européennes. Certes, si quelque chose est fait pour donner la mesure des changemens qui se sont opérés depuis trente-cinq ans dans le monde politique, n’est-ce point la manière dont s’est exprimé lord Malmesbury, le ministre des affaires étrangères du cabinet britannique, — d’un cabinet tory ! — en expliquant dans la chambre des lords cette reconnaissance de l’empire renaissant ? Au reste, cette transformation du pouvoir en France était trop prévue pour que les conseils des puissances ne fussent point dès long-temps fixés, et leurs résolutions arrêtées. Sans nul doute, chaque gouvernement a ses préférences et ses inclinations, comme le nouveau gouvernement français lui-même a très certainement ses penchans et ses goûts. Au-dessus de tout cependant il y a une chose remarquable : c’est cet hommage universel à l’intérêt supérieur de la paix que nous signalions l’autre jour comme dominant toutes les situations en Europe et dictant leurs résolutions aux gouvernemens. Il est aisé de voir qu’il faudrait des considérations d’une bien étrange puissance pour balancer celle-là. Qu’on jette les yeux à l’extérieur comme à l’intérieur : l’empire s’asseoit ainsi sans obstacle, sans contestation, sans résistance. Telle est même la facilité avec laquelle tout se plie à ce changement) qu’on pourrait presque se demander comment il se fait qu’il ait tant tardé à se réahser. Au moment où il ceignait la couronne, le nouveau souverain de la France, prenant ce nom de Napoléon III aujourd’hui consacré, disait que ce titre ne signifiait pas que son règne se rattachât à 1815 ; il ajoutait qu’au contraire il se reconnaissait volontiers solidaire et héritier des régimes qui se sont succédé. C’est qu’en effet, à travers toutes les transformations par lesquelles un pays peut passgr, il y a toujours un ensemble d’instincts légitimes, d’intérêts, de besoins, d’habitudes enracinées, qui survivent et se perpétuent, parce qu’ils constituent le fonds même de la vie nationale. Une révolution peut venir un instant les bouleverser ; tous ces intérêts et ces instincts renaissent bientôt cependant et reprennent leur cours. C’est l’honneur des pouvoirs réguliers de les reconnaître, c’est leur habileté d’y satisfaire et de régler sur eux les limites de leur puissance.

Maintenant d’autres modifications vont-elles s’accomplir dans notre état politique tel qu’il résulte de la constitution du 15 janvier 1851 ? Le sénatus-