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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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14 décembre 1852.

Au milieu des crises que nous traversons depuis quelques années, pour peu qu’on soit accoutumé à vivre de la vie de Paris, il n’est point impossible de se rendre un compte suffisamment exact de l’état des esprits dans ce grand et souverain foyer de l’activité politique de notre pays. Les tendances, les vœux, les susceptibilités, les mobilités, les inquiétudes, les espérances qui naissent et se succèdent, — on peut les suivre d’un jour à l’autre, presque d’une heure à l’autre, à mesure que le spectacle des faits vient corriger ou modifier les impressions. C’est toute une histoire intime et palpitante, qui ne serait point, à coup sûr, la moins précieuse. Pour la bien faire, il faudrait un esprit curieux et observateur, étranger à toute déclamation, passablement indifférent même, si l’on veut, au bien et au mal, comme se montre l’avocat Barbier dans son journal sur le xviiie siècle. Dans cinquante ans d’ici, une histoire ainsi faite aurait probablement le plus étrange intérêt, parce qu’elle reproduirait ce que l’histoire presque jamais ne fait connaître, le côté intime et journalier de l’existence d’une société jetée dans toutes les aventures. Ce n’est point d’aujourd’hui, d’ailleurs, qu’on peut remarquer ce qu’il y a de particulier, de profondément distinct dans le mouvement de la vie parisienne. Comme Paris se trouve placé plus immédiatement sous le coup des événemens, il en ressent avec plus de promptitude et plus de vivacité tous les effets. L’habitude et le besoin d’intervenir à tout instant dans les grandes et les petites choses qui s’accomplissent tiennent sans cesse l’opinion en éveil et ne lui laissent aucun repos, même quand il faut qu’elle se contienne. Cette tendance de l’opinion à mener toutes les préoccupations à la fois, à s’intéresser à tout et à se passionner pour tout, lui communique ce caractère complexe, impressionnable et ardent qui survit à toutes les transformations. Dans ce mouvement mystérieux, il n’est point toujours facile, sans doute, de saisir le vrai, mais on vit plus rapproché des faits. Il n’est