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affaires gouvernementales, communales et domestiques, l’emploi continu du vote universel, l’élection du plus digne, la soumission de chacun à tous, et la responsabilité de tous pour chacun.

Ces institutions primitives, qui se reflètent dans toutes les littératures slaves, nous montrent chaque peuple slave constamment occupé de préparer l’union des états chrétiens sur les bases d’une complète égalité internationale. Il n’y a divergence que pour la manière d’atteindre ce but commun. La savante Bohême rêve de construire sa cité universelle par la science; la Russie officielle y tend par l’épée et l’obéissance passive; la Pologne enthousiaste y marche par la libre association des âmes, et la nation illyro-serbe par les mœurs, par la vie de famille et de commune élevée à l’état de gouvernement. Malheureusement entre ces quatre systèmes la politique a depuis des siècles dressé de sanglantes barrières. La Russie a subi l’influence du Bas-Empire et du germanisme, et c’est par l’autocratie byzantine qu’elle marche à son panslavisme. La Pologne, malgré son isolement, est restée plus fidèle à l’idée slave. On a reproché son latinisme à l’ancienne république polonaise. Il est vrai qu’intellectuellement elle n’avait rien de slave : elle écrivait, elle parlait, elle pensait en latin; beaucoup de ses lois civiles même étaient romaines, mais ses mœurs, mais toutes ses institutions politiques étaient demeurées admirablement slaves. Sans doute elle n’a jamais su s’assigner de limites, ses frontières restaient flottantes et vagues : elle était envahissante à l’infini; mais si elle tendait à l’universalité romaine, ce n’était point par la conquête, c’était par le principe slave de l’association libre. L’histoire de la législation polonaise, avant qu’elle fût altérée par les importations allemandes et françaises, nous offre des faits assez concluans pour nous autoriser à en déduire les bases sur lesquelles la société polonaise aspirait à placer son empire. Ces bases auraient été l’absence de toute centralisation monarchique, le vote universel et l’éligibilité de tous à toutes les places, le droit individuel de refuser l’impôt, ou en d’autres termes le pouvoir fondé sur l’amour, l’indépendance intérieure garantie à toutes les nationalités, même aux plus faibles, une diplomatie toute fondée sur l’égalité entre nations ou sur le droit naturel, et enfin l’appel à la fédération universelle. Telles étaient en germe les tendances de la vieille Pologne. À ces tendances, les divers démembremens n’ont fait que prêter une nouvelle force. Aux époques les plus grandes comme les plus tristes de leur histoire, on retrouve les Polonais conséquens avec leur passé. Une seule fois dans les siècles, ils ont failli à leur mission traditionnelle : c’est au temps où les jésuites, ayant saisi parmi eux la haute direction politique, les poussèrent à d’indignes persécutions contre les Ruthéniens des deux rites gréco-slaves uni et non-uni. Les deux liturgies grecque