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L’ÉMIGRATION EUROPÉENNE DANS LE NOUVEAU-MONDE

menses espaces ! ils peuvent tout de suite s’établir sur le sol dont ils obtiennent facilement la propriété définitive et authentique. À cet égard, la loi américaine, dont les principes ont été élaborés par une commission que présidait l’illustre Jefferson en 1784 et adoptés par le congrès l’année suivante, seconde merveilleusement les progrès de la colonisation. Nous en trouvons l’analyse succincte dans un rapport communiqué au congrès, en 1849, par le secrétaire d’état de l’intérieur[1]. Toutes les terres du domaine public sont cadastrées par les ingénieurs et divisées en parcelles de six milles carrés, appelées townships ; ces parcelles sont elles-mêmes subdivisées en trente-six sections d’un mille carré, contenant en général six cent quarante acres[2]. Avant 1820, on ne pouvait acheter moins d’un quart de section ; mais, à cette époque, la loi autorisa la vente par huitièmes ; en 1832 et en 1846, de nouveaux règlemens permirent au gouvernement de partager les sections en seize parties ou en lots de quarante acres. Dans chaque township, on réserve, lors du cadastre, un certain espace qui n’est point destiné à la vente et qui doit être consacré à la construction d’écoles, d’églises ou d’autres établissemens d’utilité publique. Dès que les terres ont été ainsi mesurées, une proclamation du président les met en adjudication au prix minimum de 1 dollar un quart l’acre (6 francs 71 centimes) ; celles qui ne sont pas vendues aux enchères sont ultérieurement concédées au prix fixe de 1 dollar un quart. La plupart des acquisitions de terrains se font ainsi à l’amiable à mesure que les acheteurs se présentent, de telle sorte que ceux-ci sont parfaitement libres de choisir dans chaque township les portions de terre qui leur paraissent le plus favorables à l’exploitation. Ce mécanisme si simple et à la fois si pratique sauvegarde tous les intérêts et répond à tous les besoins. Depuis qu’il est en vigueur, les ventes de terres n’ont donné lieu qu’à un très petit nombre de contestations : la propriété est sûrement délimitée, entourée des plus complètes garanties, et le colon qui a soldé le prix de sa terre peut recueillir en toute sécurité le fruit de son travail, sous la protection de la loi américaine.

Le territoire actuel des États-Unis, y compris les conquêtes récentes de la Californie et du Nouveau-Mexique, comprend 2,475,385 milles carrés, qui équivalent à 1 milliard 584 millions d’acres. Sur ce chiffre, 312 millions d’acres étaient cadastrés à la fin de 1849 ; 101 millions étaient vendus, conformément aux règles que nous avons indiquées ; en outre, 53 millions d’acres avaient été distribués gratuitement, soit à des compagnies, soit aux pensionnaires de l’état, soit aux tribus indiennes. Il restait donc 1 milliard et demi d’acres de terrains libres, et comme la moyenne des concessions, pendant ces dernières années, n’a pas dépassé 5 millions d’acres, on peut juger des ressources infinies que le sol des États-Unis offrira aux pionniers de l’avenir.

Dans l’origine de la colonisation, les diverses nationalités européennes s’étaient partagé le littoral de l’Amérique, et chacune d’elles, évitant de se

  1. Annual Report of the commissioner of the general land office, — annexe au message du 24 décembre 1849. Nous devons à M. A. Vattemare, qui pratique avec tant de zèle son système d’échange international entre les bibliothèques des États-Unis et celles de l’Europe, la communication de plusieurs des documens officiels auxquels nous avons eu recours.
  2. On rappelle que l’acre égale 40 ares et demi.