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une idée de l’acharnement des communes contre le pouvoir nouveau qui exerçait sur elles une surveillance importune et leur disputait la direction de l’opinion publique.

Las de s’en prendre aux écrivains, le parlement résolut d’attaquer directement l’existence de Grub Street, ainsi qu’on appelait collectivement et par ironie les journaux. Tous les ans, on mettait en délibération les moyens de réprimer la licence de la presse et de soustraire à sa malignité les affaires de l’état. Il fut d’abord question de remettre en vigueur la loi sur la censure, mais on craignit de réveiller des souvenirs odieux. On songea ensuite à exiger une signature au bas de chaque article. « Il était temps, dit l’auteur de la proposition, que les écrivains déposassent leur masque anonyme (to drop the anonymous mask) et signassent leurs œuvres de leur nom, » afin d’en porter la responsabilité : on voit qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil. Ce second moyen fut repoussé comme profondément ridicule. En 1712, quelques membres de la commission du budget s’avisèrent que « le moyen le plus efficace de supprimer les libelles serait de mettre un droit très lourd sur tous les journaux et toutes les brochures. » Cette proposition fut accueillie avec acclamations. La chambre des communes vota un droit de timbre d’un son sur toute demi-feuille imprimée, de 2 sous sur chaque feuille entière, et de 24 sous sur toute annonce insérée dans un journal. Ces droits existent encore aujourd’hui, tels qu’ils ont été votés en 1712; seulement, sous George Ier, en 1726, on dut modifier la rédaction de la loi, parce que plusieurs journaux, qui avaient pris à dessein un format intermédiaire entre la demi-feuille et la feuille entière, prétendaient n’être pas compris dans la loi, et soutenaient qu’au lieu d’être assujettis au timbre, ils devaient être traités comme les brochures, qui payaient un droit fixe sur chaque édition, indépendamment du nombre des exemplaires. L’impôt du timbre et l’impôt sur les annonces, auxquels est venu se joindre depuis un impôt sur le papier, eurent dans le premier moment tout l’effet qu’on s’en était promis. Beaucoup de journaux furent tués du coup, plusieurs durent se fondre avec d’autres publications, d’autres perdirent une partie notable de leur clientelle par l’augmentation de leur prix, et périrent après avoir langui quelque temps. Le Spectateur fut du nombre. En 1709, il y avait à Londres dix-huit journaux; en 1733, on y comptait seulement trois journaux quotidiens, dix journaux paraissant trois fois par semaine, et quelques recueils hebdomadaires.