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despotisme reste cependant, parce qu’il est en eux-mêmes, dans leurs passions, dans leurs vices, dans leur inaptitude à se conduire et à se gouverner. Quant à l’attitude de l’Europe en présence de ces conflits, elle ne peut être sans doute qu’entièrement neutre. Que les gouvernemens dont les envoyés sont aujourd’hui dans la Plata eussent préféré le maintien du général Urquiza à la tête de la confédération, ce serait assez simple : de ce côté du moins, on savait à qui parler et avec qui négocier ; du côté de la salle des représentans de Buenos-Ayres, il n’y a rien. Il faut dire néanmoins que le nouveau gouvernement a cru devoir maintenir le principe libéral de l’ouverture des rivières argentines tel que l’avait posé le général Urquiza. C’est là aujourd’hui l’intérêt supérieur pour l’Europe. ch. de mazade.


REVUE LITTÉRAIRE.

Briefe aus Ægypten, Æthiopien, etc, Lettres écrites d’Égypte, d’Éthiopie et de la presqu’île du Sinaï, par Richard Lepsius[1]. — Outre les grands travaux scientifiques dont il a commencé la publication depuis son retour d’Égypte, M. Lepsius, qui, comme on sait, a dirigé dans ce pays une expédition scientifique ordonnée par le roi de Prusse, vient de donner au public une suite de lettres écrites pendant son voyage et datées de l’Égypte, de la Nubie, du mont Sinaï, de la Palestine. Il ne faut point les comparer aux lettres dans lesquelles Champollion jetait à pleines mains, avec la promptitude divinatoire de son génie et la verve de son entrain méridional, les découvertes les plus hardies et les conjectures les plus nouvelles mêlées à des impressions d’une entraînante vivacité. M. Lepsius réserve plus que Champollion les investigations scientifiques pour ses grands ouvrages, et on ne peut l’en désapprouver ; mais il reste assez d’indications de ce genre pour éveiller la curiosité, qui sera plus pleinement satisfaite ailleurs. Les points les plus importans sont indiqués en passant par un homme qui sait à quoi s’en tenir sur le résultat, et çà et là des lumières très nouvelles se font jour avant l’exposition définitive. En ce qui concerne ses impressions personnelles et l’effet pittoresque, l’auteur est grave et sobre ; mais plusieurs passages reproduisent avec une vérité très sentie les scènes de la nature, de manière à en faire reconnaître tout d’abord l’aspect quand on les a contemplées, et à y transporter par l’imagination quand on ne les connaît point. Celui qui écrit ces lignes a retrouvé dans les Lettres de M. Lepsius un souvenir personnel : il avait eu la bonne fortune de rencontrer M. Lepsius parmi les ruines de Thèbes. Il le remercie d’avoir bien voulu s’en souvenir ; seulement il prend l’occasion d’assurer de nouveau le savant professeur de Berlin, et sans crainte d’être démenti par personne, qu’il n’avait mission d’aucune académie pour aller chercher l’inscription démotique de Philé, et qu’en la rapportant en France, il n’avait d’autre but que de satisfaire sa propre curiosité et surtout celle des personnes qui s’occupaient plus spécialement que lui du démotique, et à la disposition desquelles il s’est empressé de mettre l’inscription dont il s’agit. Une course de M. Lepsius dans le Fayoum amène l’importante découverte du fameux labyrinthe, la détermination du roi sous lequel ce monument célèbre a été construit, et la confirmation de l’opinion de M. Linant sur

  1. Un vol. in-8o, Berlin, chez Hertz, et Paris, chez Klincsieck, rue de Lille.