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de fidèles. Le goût public, aussi aveugle que l’esprit puritain, la rejette, et, portant ses prédilections en sens inverse des scrupules dévots, il dédaigne les austères chastetés de l’art pour s’affoler de ses sensualités. Il laisse au peintre d’histoire le loisir d’apprendre que le travail sans rémunération amène l’aigreur, que le travail méconnu flétrit l’ame, et surtout que rien, à moins d’une violente aspiration de notre être vers le beau et l’élevé, rien, à moins d’une sublime folie, ne peut faire tête à ce triple débordement des réprobations religieuses, de l’indifférence publique et de la dégradation de l’art. Quand le don Quichotte de ces aventures a atteint le sommet de sa sainte montagne, il peut s’asseoir comme le bûcheron de Virgile, et comme lui cantare ad auras ; mais, d’après des lois suprêmes, c’est par la lutte sans répit que nous vivons, c’est par elle que nous progressons, et il faut que la fibre qui faisait les martyrs d’autrefois joue son rôle dans le « divin bataillon » de tous ceux qui aspirent.

Parmi les rares champions de cette lutte à peu près infructueuse contre le dédain général, il en est plusieurs qui étaient déjà descendus dans l’arène ouverte par le concours de 1842, et qui avaient alors bravement conquis leurs éperons. De ce nombre, MM. Dyce, Cope, Frost et Maclise ont seuls envoyé cette fois des œuvres historiques. M. Dyce se présente avec un dessin d’un style large et d’un caractère élevé. M. Cope, qui a peint un Épisode de la Griselidis, de Chancer, y montre de la force dramatique, beaucoup de goût et de sentiment dans l’expression et l’attitude de ses figures. Évidemment il n’est pas de ceux qui travaillent à la hâte. Il pèse bien son sujet, et cherche consciencieusement tout moyen d’exprimer son idée. Peut-être cela peut-il expliquer une certaine pesanteur de touche et un manque de franchise qui semble tenir à de l’hésitation. La Nymphe et l’Amour, de M. Frost, ainsi que son autre envoi, la Matinée de mai, sont des excursions dans le domaine de cette mythologie de tout temps si chère aux artistes, et à bon droit, car le manteau classique de l’antiquité les met à l’abri de bien des reproches et de bien des susceptibilités. Ces deux morceaux d’imagination se distinguent par de l’élégance et un fin sentiment du dessin. L’un des tableaux les plus en évidence et en même temps l’un des plus vastes de l’exposition, — bien qu’il soit encore de dimensions fort modérées, — est celui de M. Maclise, le Roi saxon Alfred déguisé en ménestrel dans la tente de Guthrun le Danois. Sous le rapport de l’exécution mécanique, l’œuvre est enlevée avec une dextérité qui pourrait rivaliser avec celle de M. Vernet, que L. Maclise du reste, rappelle aussi dans son style général de composition. Des accessoires et des détails prodigués jusqu’à éblouir le regard, un manque total de charme dans la couleur, un égal défaut d’originalité pittoresque, sont des traits communs aux deux artistes. Terminons par les Adieux de lord Russell et de sa femme au moment de son supplice, qui