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cette dynastie de talens étrangers, il nous reste un nom seul à citer, celui de Kneller de Lubeck, qui débuta à Londres à la fin du XVIIe siècle, et qui fut l’artiste de la cour depuis le règne de Jacques II jusqu’à sa propre mort, arrivée en 1725.

Il faut remarquer cependant que, même durant cette période, l’art n’avait pas été sans trouver quelques représentans dans la nation. Ainsi, vers les dernières années du XVIe siècle et au commencement du XVIIe, deux Anglais, Hilliard et Oliver, s’étaient distingués dans la peinture des portraits de petite dimension, le dernier plus spécialement dans la miniature. Cooper, après eux, avait également produit de belles miniatures sur la fin du règne de Charles Ier, et à la même époque il avait paru un architecte remarquable, Inigo Jones, suivi bientôt par sir Christophe Wren, à qui l’on doit la cathédrale de Saint-Paul. Enfin un artiste écossais, Jameson, s’était fait un nom mérité au début du XVIIe siècle ; il avait étudié sous Rubens, et il a droit à être mentionné comme le premier peintre national qui, dans le portrait de grandeur naturelle, ait montré quelque talent.

L’époque où nous touchons fait date : elle est comme une renaissance pour l’art anglais. Dès-lors commence une ligne non interrompue de peintres originaux qui n’ont pas seulement permis à l’Angleterre de se passer du secours de l’étranger, mais qui lui ont encore assigné parmi les écoles un rang qu’elle n’avait pas encore occupé, et dont l’importance est incontestable. Un des premiers en date, comme un des plus saillans parmi ces maîtres, fut Hogarth, qui naquit en 1697. D’abord graveur sur vaisselle, puis graveur d’estampes sur cuivre, puis enfin peintre, on dirait qu’un penchant irrésistible pour le comique et une puissance innée de satire l’aient poussé à faire le tour des arts plastiques pour chercher de tous côtés des moyens d’épancher sa verve intarissable. Comme Molière, ce sont les laideurs ou les ridicules des vices et des folies du jour qu’il fait poser devant lui, et il les retrace d’un pinceau ardent et toujours décidé ; mais une certaine rudesse impitoyable et sauvage, qui va par instans jusqu’à la brutalité, distingue ses peintures des scènes de l’écrivain français, où rien ne sort des limites du convenable. Cela donne quelquefois à ses productions un air d’exagération et de caricature, tandis que Molière manquerait plutôt de naturel par trop de mesure et d’apprêt cérémonieux.

Hogarth possédait à un haut point la plupart des qualités plastiques. Par qualités plastiques, j’entends ces facultés qui consistent spécialement à saisir et apprécier les rapports des lignes, des formes, de la lumière, de l’ombre et des couleurs, ainsi qu’à reproduire les impressions que ces données peuvent causer à un homme particulièrement organisé. De telles reproductions, pour remplir les conditions de l’art, doivent se composer d’une base restreinte d’imitation sur