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À défaut de monumens, d’ailleurs, plus d’une preuve écrite reporte beaucoup au-delà du XIVe siècle la pratique de l’art de peindre. Parmi les archives du XIIIe siècle, on connaît un ordre de Henri III portant commande d’une Maestà, c’est-à-dire d’une figure du Christ, avec les quatre évangélistes, comme on en a de Cimabuë. L’ordre est daté du 24 janvier 1233, sept ans avant la naissance de ce père de l’art italien. Les anciennes archives attestent en outre l’existence d’une corporation d’artistes à une époque fort lointaine. Les statuts du corps des peintres anglais, avec la date de 1283, ont été conservés jusqu’à nos jours. Ceux des peintres siennois sont seulement de 1355, plus d’un demi-siècle plus tard. Il est à remarquer aussi que les statuts de la corporation anglaise font mention de couleurs préparées à l’huile, tandis que nulle allusion de ce genre ne se rencontre dans le document siennois.


I

Durant le cours des XVe et XVIe siècles, l’architecture ecclésiastique se maintint dans une voie de progrès continu ; tout au moins elle ne perdit rien de son excellence, et, à côté d’elle, la décoration des châteaux, des résidences seigneuriales participa bientôt aux magnificences de l’art. Quant à la peinture, au lieu d’avancer du même pas, il semble que, pendant cette période, elle se soit contentée d’une imitation sans vie, de la reproduction de ce qui avait déjà été fait. Cette pente menait infailliblement à une décadence, et en effet, sous Henri VII, précisément alors que les écoles italiennes s’élevaient à leur apogée, les arts, en Angleterre, étaient tombés au-dessous de la médiocrité. Les portraits du temps n’étaient que de repoussantes caricatures, et les peintures de saints ou de légendes ecclésiastiques, quoique toujours fabriquées en abondance, manquaient de tout ce qui peut donner du charme à de telles œuvres.

Dans nul pays civilisé, l’art ne pouvait être plus dégradé qu’en Angleterre, quand Henri VIII succéda à son père. La réforme se préparait, et il était impossible que ses effets ne lui fussent pas funestes. Rejetant les solennités et les pompes du culte en même temps que les doctrines de Rome, elle enlevait aux églises leurs décorations, et, comme c’était la l’occupation principale des artistes, ils furent écrasés sous la ruine de leur industrie. Henri VIII cependant, soit par goût réel, soit par désir de rivaliser avec Charles-Quint et François Ier, tourna son attention vers les arts, du moins vers cette branche de l’art qui flatte spécialement la vanité : le portrait. Il attira Hans Holbein à sa cour, et il l’y retint par sa bonté et ses attentions aussi bien que par une pension fixe. L’humeur chagrine de sa femme et l’oubli que ses compatriotes faisaient de lui malgré la supériorité de son talent avaient peut-être