ou de la mandoline pour Cloé ! Allons, mademoiselle, pas de façons, pas de réplique ; chassez-moi bien vite ce petit drôle de votre cœur, comme s’il n’y était jamais entré ; allez, allez, pour un ingrat de perdu, cent de retrouvés ; mais c’est l’honneur d’une famille qui ne se retrouve plus une fois qu’on l’a perdu. Ah ! qu’il vienne, qu’il vienne rôder encore alentour de nous, ce petit muscadin ! il verra de quel bois je me chauffe, et comme je lui ferai sauter les escaliers. Bon Dieu ! quelles tuteurs !… Ce n’était pas comme cela de mon temps. Avant que de pouvoir s’introduire chez nous, les amoureux suaient sang et eau à notre porte, et ils ne s’avisaient pas de se trouver les derniers au rendez-vous ; demande un peu à ton père ce qu’il lui a coûté de soins, de prévenances pour obtenir notre main, et comme il a acheté chèrement l’honneur de nous posséder. Tiens, Céliflore, quand je vois des affronts comme ceux-là dans une famille, et qu’une fille de mon sang n’a pas honte de rester à la belle étoile pour attendre sans voir venir un amoureux, je suis bonne mère, mais je suis capable de te dévisager. Fi ! la laide, qui n’a pas de sentimens, et qui reste à croquer le marmot pour un scélérat ! A la place, je mourrais de confusion, et j’irais me cacher… Mais je saurai mettre bon ordre à tout cela ; je veux avoir raison de cet outrage : le roi, oui, le roi lui-même me prêtera au besoin son autorité. C’est celui-là qui aime les bonnes mœurs, et qui ne plaisante pas lorsqu’il s’agit de mariage. Va, va, je serai vengée ; mais, en attendant, fais-moi le serment, Céliflore, d’oublier ce perfide et de l’arracher totalement de ton cœur.
« CELIFLORE, émue et embarrassée. — Ma mère, c’est un serment… un serment…
« MADAME BAYACOU, impatientée. — Eh bien ! achevez donc, etc.
« M. BAYACOU, caressant son épouse. — Apaise-toi, ma chère femme, apaise-toi, je ne vois pas qu’il y ait tant à s’alarmer ; j’espère, au contraire, qu’avec un peu de patience, tu verras les choses d’un tout autre œil : même le cœur me dit que le tien se reprocherait bientôt d’avoir si peu ménagé Zulimbo dans tes termes. »
Le roi vient, en effet, justifier les retards de Zulimbo et profite de l’occasion pour inquiéter et éprouver Céliflore, qui chante son amour et son désespoir sur plusieurs airs connus, n’en déplaise à M. Cassian, mais en des vers parfois très acceptables (des éclairs tout-à-fait imprévus de sentiment vrai et même de bon style jaillissent çà et là, je le répète, de cette phraséologie si consciencieusement bestiole). On devine qu’en fin de compte le mari imposé à Céliflore se trouve être Zulimbo. Ce serait là le dénoûment naturel de la pièce ; mais Chanlatte tenait à nous faire assister à un lever du roi, ce qui, vu l’heure, nous renvoie au lendemain, et dans ce lever, contrairement à ceux qu’il tenait sous le cayemitier de son palais de Sans-Souci, Christophe ne fait fusiller personne ; Use borne à rendre justice à la veuve, à l’orphelin et aux filles enceintes. Le librettiste tenait surtout à placer ici un autre souvenir d’Henri IV :
« LE MAGISTER (qui est venu, comme dans le Nouveau Seigneur de Village, haranguer les illustres visiteurs) : — César, Pompée et les grands hommes de l’antiquité, après avoir vaincu, se plaisaient, ainsi que vos grandeurs…