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Fait exister tous les êtres,
Ouvrage du Créateur !
Près de finir ma carrière,
Que ton auguste clarté
Éclaire encor ma paupière
Pour chanter la liberté !

Haïti, mère chérie,
Reçois mes derniers adieux ;
Que l’amour de la patrie.
Enflamme tous nos neveux,
Et si jamais sur tes rives
Se remontrent nos tyrans,
Que leurs hordes fugitives
Servent d’engrais à nos champs !


Témoin encore cette strophe de son Hymne à la patrie :

Le grand auteur de la nature
Créa l’homme pour le bonheur ;
L’homme, bientôt, cruel, parjure,
Brisa l’œuvre de son auteur.
La terre en proie à l’esclavage,
La liberté n’eut plus d’autel ;
Mais Haïti venge l’outrage
Que l’homme fit à l’Éternel !
Honneur et gloire à la patrie !
Des rois bravons l’iniquité,
Et s’il nous faut perdre la vie ;
Ah ! mourons pour la liberté !

Dans l’Abeille haïtienne, recueil qui parut vers la fin de la présidence de Pétion et au commencement de celle de Boyer, je découvre deux autres spécimens, cette fois anonymes, de la littérature dramatique de Port-au-Prince. L’un est une petite comédie de paravent, intitulée le Prix de la vertu (un de ces titres qui sont une date), et dont les personnages, qui s’appellent Aminte et Valère, Lucile et Norval, Fonville et Marton, avaient émigré de Saint-Domingue depuis vingt bonnes années pour le moins. Le seul trait haïtien qui s’y trouve pourrait faire soupçonner de singulières mœurs, si l’on n’aimait mieux y voir quelque naïve réminiscence de l’un des thèmes les plus acceptés de la tragédie