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LA


LITTERATURE JAUNE.




I.




I. – UNE RENAISSANCE INCONNUE.

Au temps de Dessalines, le directeur des domaines Inginac, injurié par une femme qu’il refusait de mettre en possession d’une des propriétés : confisquées sur les blancs, la chassa de sa présence en la traitant de « Messaline. » Cette femme, furieuse, et qui n’avait pas de littérature, alla se plaindre à l’empereur, qui en avait encore moins, d’avoir été appelée une « Messalines. » Outré qu’on osât faire de son nom le sobriquet d’une femme légère, le monarque manda aussitôt Inginac dans la capitale, et le malheureux directeur, dont les explications avaient été repoussées comme une grossière défaite, allait être envoyé du palais au cachot, du cachot au cimetière, lorsqu’un général en qui Jacques Ier avait confiance fit entendre raison au susceptible empereur[1].

C’était à dégoûter des Grecs et des Romains, et cependant plus de

  1. M. Madiou, dans son Histoire d’Haïti, donne cet autre exemple du danger qu’il y a à trop négliger l’éducation classique d’un empereur : « Un administrateur accusé de prévarication avait été appelé à la capitale pour rendre ses comptes. Dessalines lui ordonna, en présence de son état-major, de calculer, sous ses yeux, à haute et intelligible voix. L’administrateur obtint, à la fin de plusieurs colonnes successives, des zéros et retint les unités. Dessalines, l’interrompant, s’écria ; — Je ne m’étonne pas que vous ayez été dénoncé, puisqu’en ma présence vous osez tout retenir et ne laisser à l’état que des zéros. — L’administrateur retourna dans ses foyers sain et sauf, mais il fut destitué peu de temps après. »