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intentions du gouvernement, et ne se sentaient nul souci de quitter le sol légal sur lequel il ne leur en coûtait déjà que trop d’avoir à combattre contre leurs anciens camarades. » Les vieilles troupes, animées de l’esprit constitutionnel monarchique, s’étaient fiées à Kossuth, alors que vers la fin d’octobre, au moment du passage de la Laytha, l’agitateur, invoquant d’ailleurs la sanction de l’archiduc palatin, cousin du souverain légitime, leur disait avec une apparence d’autorité qu’il s’agissait uniquement de s’opposer aux plans désorganisateurs du ban Jellachich et des Slaves soulevés. Plus tard, au commencement de décembre, elles avaient encore écouté sa voix qui leur affirmait qu’en dépit des événemens survenus elles pouvaient, sans manquer à leurs sermens prêtés à la couronne impériale, continuer à se battre pour Ferdinand V, roi de Hongrie, et pour la constitution sanctionnée par lui. On se figure quel dut être l’immense découragement de ces hommes lorsqu’ils s’aperçurent qu’on les trompait, lorsque Kossuth, leur héros de la veille, ne fut plus pour eux qu’un sublime parleur (on sait ce que vaut ce titre aux yeux du soldat en campagne), et lorsqu’enfin ils en vinrent à se douter que le grand orateur n’était au fond qu’un républicain. À l’ardeur belliqueuse succéda tout à coup l’hésitation. Une partie des officiers quitta les rangs, ceux qui restèrent ne montraient plus qu’un zèle douteux. Seul, Goergei pouvait, à ce moment critique, raviver la confiance attiédie de ces intrépides vétérans. Il le fit par sa proclamation de Waitzen, document politique et militaire, ordre du jour et profession de foi.

« 1o  Le corps d’armée du Haut-Danube a pris les armes pour le roi Ferdinand V et la constitution sanctionnée par lui du royaume de Hongrie, et, fidèle à son serment, jure de continuer à les défendre, au prix de son sang, l’un et l’autre contre tout ennemi extérieur.

« 2" Le corps d’armée sous les ordres du général Goergei se réserve de combattre avec le même entraînement quiconque, dans l’intérieur du pays, tenterait, par d’intempestives menées républicaines, d’entraver le triomphe de la constitution du royaume.

« 3o  De l’idée que le corps d’armée du Haut-Danube se fait de la monarchie constitutionnelle, idée pour laquelle il est résolu à sacrifier jusqu’à son dernier homme, il résulte qu’il n’accepte et ne reconnaît d’autres chefs que ceux qui lui sont envoyés par le ministre de la guerre, responsable ou son remplaçant légal.

« 4" Le corps d’armée du Haut-Danube, pénétré de ce qu’il doit à la constitution de la Hongrie, à laquelle il a prêté serment, et aussi de ce que son propre honneur lui commande, déclare qu’il ne ratifierait aucune espèce de négociation conclue, avec l’ennemi qui n’aurait point pour objet, d’une part, de garantir la susdite constitution à laquelle le corps d’armée a piété serment, de l’autre, de sauvegarder son honneur militaire. »

Observons qu’à cette époque le mot de séparation d’avec l’Autriche