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les esprits qu’à les calmer. Le caractère sacerdotal échappe du reste à toute atteinte. Les évêques et les curés sont inamovibles ; les desservans ne dépendent que des évêques. Réduira-t-on le gouvernement à se taire ou à intenter des poursuites criminelles ? S’il se tait, la société n’est pas vengée ; elle l’est trop, s’il recourt à l’emploi des lois pénales.

Dans les rapports des supérieurs avec les inférieurs, même nécessité de garanties particulières. Les inférieurs ont perdu toutes celles qu’ils possédaient sous l’ancien droit. Comme les juridictions ecclésiastiques avaient cédé à l’esprit d’envahissement habituel à toutes les juridictions, on les a supprimées. Les officialités qui exerçaient les pouvoirs disciplinaires, avec leurs formes, leurs règles, leur jurisprudence, sont remplacées par les évêques seuls, dont le pouvoir est discrétionnaire. Si les principes élémentaires de toute justice ont été violés, si le condamné n’a pas été entendu, ni admis à invoquer des témoignages qui devaient faire éclater son innocence, le pouvoir civil lui doit une assistance qui n’est pas refusée au dernier des citoyens.

Enfin le prêtre peut accorder ou refuser son ministère ; mais s’il use de procédés qui compromettent l’honneur des citoyens, qui inquiètent les consciences, qui dégénèrent en oppression, en injure, en scandale, quel sera le recours ? Les tribunaux ? Combien alors de procédés humilians, cruels, qui ne constituent pas un délit et empruntent toute leur gravité à la robe sacrée dont leur auteur est revêtu !

Il est donc nécessaire de prêter secours à l’état contre la parole ou la plume officielle qui attaque ou méconnaît ses droits ; à l’inférieur contre le supérieur qui lui inflige une justice sans règle ni frein ; au citoyen contre le ministre des autels qui l’outrage. Ce secours se trouve dans les appels comme d’abus, et c’est l’utilité qu’ils conservent aujourd’hui. Ils se sont modifiés profondément, et l’on peut dire que des anciens appels comme d’abus il n’existe plus que le principe du droit de contrôle réservé au pouvoir civil, car tout le reste a changé, le juge, la procédure, la forme de la sentence.

Le clergé était justiciable des parlemens, c’est-à-dire de corps judiciaires dominés par l’esprit de robe, et quelquefois par l’esprit de secte, double préoccupation qui exposait souvent la justice à se laisser égarer. À Dieu ne plaise que nous contestions les services rendus par ces grands corps de magistrature ; mais tout en rendant hommage à leur indépendance, à leur courage, à leur énergique persévérance, il est permis de dire que ces qualités mêmes leur imprimaient une raideur, une inflexibilité dont le clergé pouvait prendre ombrage, et que, dans ce système, l’église et l’état se trouvaient en présence plutôt comme deux adversaires en lutte que comme deux forces qui, sans s’annuler, peuvent se combiner. Aux parlemens a succédé, pour les appels comme d’abus, le conseil d’état, corps à la fois politique et administratif,