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de quel droit forcer les citoyens à contribuer aux dépenses du sacerdoce ? De quel droit attribuera un culte professé seulement par une partie des contribuables, quelque grande qu’elle soit, le produit de l’impôt prélevé sur tous ? Quelle iniquité à l’égard des sectateurs des cultes non reconnus ! Obligés d’en soutenir directement les ministres, ils seront contraints de rétribuer en outre ceux des autres cultes, de cultes qu’ils réprouvent et frappent d’anathème.

Enfin le salaire du clergé impose à l’état un fardeau 1res pesant. Près de 40 millions sont portés au budget pour y faire face. Ils en seraient rayés, si un impôt attentatoire aux consciences était remplacé par des contributions volontaires qui, loin d’être onéreuses, sont toujours payées avec joie à la religion qu’on sert et dont on attend des consolations dans cette vie et le bonheur dans l’autre.

Ces objections sont graves : nous n’en contestons pas la puissance ; mais elles ne nous paraissent pas fondées.

Il est vrai que le salaire crée entre l’état qui le donne et les cultes qui l’obtiennent des rapports particuliers. Ce sont ceux que forment une confiance mutuelle et la poursuite d’un but commun. Si l’état a surtout en vue les intérêts terrestres et l’église le bonheur à venir, tous deux se proposent un même objet, le bien-être de l’humanité, le règne de la justice, le progrès des idées morales, qui sont l’attribut et l’honneur de notre espèce. En assurant les secours spirituels au peuple par le salaire, le pouvoir politique se donne un auxiliaire et non point un esclave asservi à ses ordres. Un libre contrat se forme où tous les droits sont respectés. Nul n’abdique son indépendance. Le prêtre contracte des devoirs plus étroits, mais ces devoirs sont définis, ils sont ceux mêmes qu’il s’est engagé à remplir en se vouant au ministère sacré ; aucun ne blesse sa conscience ; il prendrait les mêmes engagemens, et il n’en prendrait pas moins envers les fidèles qui s’imposeraient volontairement pour le faire vivre. Cette convention privée, inévitable à défaut du salaire public, ménagerait moins la dignité du prêtre. En effet, accordé par l’état, au nom de la société entière, le salaire honore le ministre de la religion et ajoute à son caractère sacerdotal le sceau d’une sorte de magistrature civile. Au contraire, payé par le fidèle, il n’est plus qu’un présent individuel, donné comme par grâce et versé seulement dans la main qui s’ouvre pour le mendier. L’état opère une répartition, soumise à des règles générales, contrôlée par les pouvoirs publics, et dans laquelle il prend en considération l’importance des fonctions, les services rendus, les besoins du pays. Au contraire, les fidèles, agissant isolément, sans ensemble, accordent au prêtre une rémunération tantôt insuffisante et tantôt excessive. Avec la contribution volontaire, la condition du prêtre est précaire, inégale, dépendante. Avec le salaire public, elle est fixe, réglée équitablement,