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légèrement modifiées. Le docteur Layard, le célèbre voyageur à qui on doit les curieuses recherches sur Ninive, et qui avait été nommé sous-secrétaire d’état aux affaires étrangères pendant le ministère de lord Granville, vient de s’ouvrir l’accès du parlement. Parmi les jeunes membres de l’aristocratie qui vont faire leur entrée dans la chambre, il faut nommer sir John Shelley et surtout lord Goderich, jeune lord d’opinions très avancées, et chez lequel le chartisme a laissé des traces. M. Lucas, journaliste irlandais, ultramontain plus catholique que le pape, portera, dit-on, au parlement avec éloquence et talent la verve et les allures de l’Univers religieux. Mais pourquoi donc ce parlement, ainsi qu’on l’avait annoncé, ne se réunit-il pas le 20 août ? Les parlemens antérieurs se sont toujours réunis aussitôt les élections terminées. La raison probable de ce retard, c’est la nécessité où se trouve le gouvernement, comme tous les partis sans exception d’ailleurs, de savoir avec quel parti et sous quelles conditions il est possible de faire alliance.

Voici déjà quelque temps que l’Espagne fait peu parler d’elle. Elle présente depuis six mois ce contraste singulier d’une stagnation politique à peu près complète et d’une activité matérielle immense. Ce n’est pas cependant qu’au point de vue politique sa situation n’offre quelque anomalie. La question est toujours de savoir ce que fera le gouvernement à l’égard des chambres, qui restent suspendues, mais qui devront être évidemment convoquées dans un délai donné. Le parlement actuel sera-t-il réuni ou sera-t-il dissous ? Voilà le problème que le ministère espagnol parait être en ce moment occupé à résoudre. Peut-être pourrait-on y joindre subsidiairement une autre question, qui serait celle de savoir si le nouveau parlement, en cas de dissolution, sera élu d’après la loi électorale actuelle ou d’après une loi que promulguerait le gouvernement. C’est de ces discussions intérieures qu’est née tout récemment une crise ministérielle à la Granja, où réside en ce moment la reine Isabelle. Le marquis de Miraflorès, ministre des affaires étrangères, a donné sa démission ; il est remplacé par le ministre de l’intérieur, M. Bertran de Lis, auquel succède à son tour M. Ordonez, gouverneur civil de Madrid. Les causes de cette modification sont peu connues encore. Il est seulement présumable que M. de Miraflorès penchait plus ouvertement que ses collègues pour des changemens décisifs dans l’organisation politique du pays. Sa retraite indiquerait que le ministère espagnol n’entend point sortir d’une certaine légalité. Quand nous disons le ministère espagnol, en réalité c’est M. Bravo Murillo qu’il faudrait dire peut-être. M. Bravo Murillo, en effet, exerce aujourd’hui en Espagne une autorité à peu près complète. La confiance de la reine lui est absolument acquise. Son ascendant sur ses collègues ne fait point de doute ; il est l’arbitre du cabinet. La dernière crise ministérielle en offre une nouvelle preuve. Ce n’est point, du reste, par une supériorité politique hors ligne que M. Bravo Murillo peut mériter le rang qu’il occupe comme président du conseil : c’est par tout ce qu’il a fait dans l’ordre financier, par l’impulsion qu’il a donnée aux intérêts de tout genre. Là est pour le moment le côté le plus important de la situation de l’Espagne. Il règne aujourd’hui au-delà des Pyrénées une sorte de fièvre industrielle qui se porte surtout sur la construction des chemins de fer. En peu de jours, le gouvernement vient de concéder, par la voie de l’adjudication, la ligne de Madrid