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simple dans les modifications que réclame la Hollande soit sur le droit de traduction, soit sur l’introduction de ses livres en France, soit sur le caractère de rétroactivité qu’avait le premier traité. L’essentiel au milieu de tout cela, c’est que le principe reste. Si le gouvernement belge savait bien voir en définitive, il verrait qu’il n’a plus même un sacrifice à faire en laissant périr la frauduleuse industrie qui s’abrite derrière lui, puisqu’elle est de toutes parts resserrée dans son dernier refuge.

Les élections terminées en Angleterre, tout est rentré dans le repos. La querelle des pêcheries avec l’Amérique est venue bien à temps pour alimenter la verve des journaux, car tous n’ont pas les bonnes fortunes du Morning Chronicle, et ne peuvent point fournir à leurs lecteurs les traités secrets des puissances du Nord. Les commérages vont leur train, et, à propos de commérages, le marquis de Londonderry ne le cède à personne. Deux nouvelles épîtres viennent de sortir de sa plume, deux épîtres très humoristiques, fort peu sensées, et qui auraient pu faire les délices du club des frères Sérapion d’Hoffmann. Le marquis de Londonderry est en effet raisonnable à la manière des personnages raisonnables d’Hoffmann, dont les plus sensés n’ont qu’une ou deux idées fixes, avec un renouvellement de capricieuse humeur à chaque retour des saisons. Que demande le noble marquis ? — Comme toujours, la mise en liberté d’Abd-el-Kader. Il se répandait jadis en lettres sentimentales adressées au président de la république ; maintenant le ton a changé : il faut voir avec quelle morgue aristocratique et quelle hauteur bizarre, pour ne pas employer une autre expression, il s’adresse au chef de l’état. Le prince Louis-Napoléon avait répondu aux premières lettres de l’excentrique marquis : nous doutons fort qu’il réponde à la dernière autrement que par le silence. Il est assez singulier de voir un personnage privé harceler de ses suppliques, recommandations, prières, le chef d’un autre état, et employer, lorsque ce mode de réclamations ne réussit pas, un ton que ne prendrait pas l’empereur d’Autriche ou le tsar de toutes les Russies. Qu’on ne s’abuse pas cependant, l’Angleterre est ainsi faite qu’il n’y a pas un excentrique, un maniaque, qui ne lui ait été utile et ne l’ait servie selon sa méthode particulière et exceptionnelle.

En attendant que les communes s’assemblent et que les partis mesurent leurs forces, il y a encore à signaler quelques-unes des pertes que le nouveau parlement a faites. MM. Bernai et Greene, hommes d’expérience consommée, ne sont plus là pour présider le comité des affaires ; le très excentrique et très distingué M. Urquhart ne chicanera plus lord Palmerston ; le fougueux Irlandais M. Reynolds ne fera plus entendre ses harangues violentes, mais celui-là sera avantageusement remplacé. M. George Thompson aura toute liberté maintenant d’aller prêcher l’abolitionisme en Amérique et d’y être l’occasion d’émeutes, comme cela lui est déjà arrivé à Boston. Les whigs, avec sir George Grey, ont perdu sir William Somerville et sir John Romilly. M. Hume et M. Roebuck sont à peu près les derniers représentans à ce parlement de la vieille école radicale du benthamisme que Dieu emporte et ne ramène plus. Un tiers de la chambre des communes se compose de membres nouveaux, parmi lesquels nous rencontrons de vieilles et illustres connaissances : M. Macaulay et sir Edouard Lytton Bulwer, qui revient avec des opinions