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ne peut point être permis d’y déroger à l’abri d’une frontière ; il ne peut point être permis de s’emparer des œuvres d’autrui pour en remplir le monde au détriment de l’inventeur lui-même. C’est là une garantie mutuelle que se doivent les peuples dans l’état actuel de la civilisation. Le gouvernement français, en prenant chez nous, il y a quelques mois, l’initiative de l’abolition complète de la contrefaçon des œuvres étrangères d’art et de littérature, a reconnu ce principe, et a fait ainsi passer dans le droit écrit ce qui était déjà dans l’équité générale. Par cette mesure même, il s’est tracé la marche à suivre ; il s’est imposé la tâche de faire reconnaître par les autres pays le principe dont il garantissait pour sa part l’inviolabilité. En définitive, nous sommes venus au point où il ne saurait plus y avoir d’incertitude aujourd’hui. La contrefaçon est condamnée ; elle est flétrie comme industrie, comme commerce illicite, comme violation permanente du droit de propriété. Le reste n’est plus maintenant que l’affaire du temps. C’est l’affaire surtout des négociations en ce moment pendantes avec la Belgique. On sait où en sont ces négociations. Elles avaient été suspendues il y a quelques jours, et, l’ancien traité expirant le 10 août, les relations commerciales des deux pays se sont trouvées momentanément replacées sous l’empire du tarif général. Les négociations ont été reprises depuis, et elles se poursuivent ; une conclusion ne peut tarder désormais. Nous nous demandons en vérité où a voulu en venir le cabinet belge avec ses tergiversations perpétuelles dans cette affaire ? Si ces tergiversations tiennent à la crise ministérielle qui dure encore, elles s’expliquent sans doute jusqu’à un certain point. Si le cabinet belge espérait sauver une fois encore la contrefaçon du naufrage, il s’était donné là une étrange cliente, bien faite, on en conviendra, pour être mise en balance avec les intérêts de tout genre qui unissent les deux pays ! Au fond, peut-être l’industrie belge avait-elle conçu récemment une dernière illusion à l’occasion du refus fait par la seconde chambre des états-généraux de La Haye de ratifier le traité conclu entre la France et la Hollande pour la garantie de la propriété littéraire ; mais on ne songe pas qu’ici la situation est bien autre. Il y a long-temps qu’en Hollande le principe de la propriété littéraire est moralement reconnu et invoqué. Déjà, au congrès d’Aix-la-Chapelle, pendant le XVIIIe siècle, un libraire hollandais réclamait la consécration de ce principe. Le vote de la chambre hollandaise, bien qu’assez étrange d’ailleurs, ne tient point à un refus systématique de reconnaître le droit de propriété littéraire. Il s’explique par des causes particulières. Peut-être le ministre de l’intérieur, M. Thorbecke, a-t-il un peu cédé à la fantaisie de se défaire ainsi de son collègue des affaires étrangères, M. Sonsbeeck, signataire de ce traité. Peut-être les chambres ont-elles été mécontentes d’être convoquées extraordinairement au mois d’août, lorsqu’elles devaient se réunir régulièrement au mois de septembre. C’est là un de ces accidens qui se produisent parfois à l’improviste dans la vie parlementaire. Il n’est pas impossible enfin que l’agent français, par son insistance, n’ait froissé des susceptibilités légitimes. La conséquence du vote de la seconde chambre de La Haye a été la retraite du ministre des affaires étrangères, M. Sonsbeeck, qui avait eu déjà à subir plus d’un échec de ce genre cette année. Tout annonce aujourd’hui que les négociations pourront être prochainement reprises. Nous ne voyons d’ailleurs rien que d’assez