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sont en question ? Allez même jusqu’à quelqu’une de ces rumeurs nées souvent du caprice des nouvellistes : si des journaux promènent en Europe quelque traité apocryphe supputant les cas et probabilités, réglant d’avance l’action des gouvernemens, il est bien sans doute d’un certain prix pour nous de savoir qu’il n’y a rien de vrai dans cette sainte alliance de fantaisie. Lorsque enfin des adoucissemens viennent tempérer les effets de nos déchiremens intérieurs, n’y a-t-il point quelque chose qui répond à nos plus secrets instincts ? Au-dessus des détails de notre situation actuelle et de toute préoccupation politique, qu’on nous permette aujourd’hui de placer l’acte qui rouvre les portes de la France à des hommes que les décrets du 10 janvier avaient frappés et dont quelques-uns ont un rang dans notre histoire.

Les décrets du 7 août sont assurément une bonne pensée que ne saurait accueillir un intérêt vulgaire : ils n’ont point eu à faire cesser une condamnation qui n’avait pu être prononcée ; ils sont plutôt un signe de désarmement après la lutte, après une victoire qui n’a pas besoin d’être plus complète ; ils mettent un terme à une situation dont les amertumes ne sont jamais mieux senties que par ceux qui les ont encourues sans s’en douter. Toutes les opinions ont leur part dans l’acte du 7 août, et ce n’est pas de quoi il faut se plaindre. Il nous sera bien permis seulement de ne point confondre les quatorze noms inscrits sur cette liste et de nous souvenir de ceux qui ont jeté quelque lustre sur notre patrie. Nous avouons n’avoir pas un goût très vif pour le système égalitaire de ce radical Suisse, M. Druey, qui récemment n’établissait aucune différence entre lui, directeur de la police fédérale, et le portier d’un des hôtels du gouvernement. Cela peut être vrai pour M. Druey, puisqu’il le dit. Il n’est point tout-à-fait égal pour la France de voir ses portes rouvertes à des hommes comme M. Thiers et M. de Rémusat ou aux premiers démocrates venus que le hasard d’une élection aura malencontreusement jetés sur le chemin d’un décret de bannissement. Otez à ceux-ci leur rôle d’un moment ; l’obscurité est ce qui les recommande le mieux. Otez leur ancienne situation politique à l’historien du consulat et à l’auteur de l’étude sur Horace Walpole ; ils se retrouvent avec ces facultés éminentes qui les tiennent au même niveau que par le passé. Ces facultés obligent, dira-t-on ; nous le pensons bien et nous l’entendons bien ainsi. Oui, sans doute, ces facultés obligent ceux qui en sont doués à des œuvres nouvelles. Mieux que nous ne pourrions l’exprimer, ces esprits supérieurs pourraient dire ce qui reste de dignité, d’honneur pour le pays, et pour eux-mêmes de jouissances sévères, dans les travaux de la pensée, dans les recherches de l’histoire, dans les investigations de la critique et du goût. Après tout, dans ce temps de courtes sagesses et de longues déceptions, c’est encore le meilleur moyen de continuer des traditions qui ont leur puissance dans notre patrie et de ne point laisser s’échapper le fil des choses dans ce courant qui nous emporte tous, et où tout se renouvelle avec une telle rapidité. Les décrets mêmes du 7 août sont une des preuves des vicissitudes de la politique contemporaine ; ils méritaient ici naturellement la première place, et par ce qu’ils réalisent, et par les tendances dont ils peuvent être l’expression.

À côté de ceci, les élections pour le renouvellement des conseils-généraux, des conseils d’arrondissement et des conseils communaux ont continué et