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énergie, sut triompher de toutes les difficultés. Après deux ans d’apprentissage, il en savait autant que son maître, et le comte de Dreux-Brezé lui confiait non pas la proue, mais la construction entière d’un navire. Ainsi le jeune élève de Roman avait su mener de front les études plastiques et les études mathématiques. Il ne s’était pas occupé seulement de la sculpture d’ornement, mais des conditions scientifiques de la construction navale. Quel fut son guide dans cette voie nouvelle ? La tradition est muette. Il est donc permis de penser qu’il n’eut d’autre maître que lui-même. Cependant les éloges prodigués à ses travaux ne l’avaient pas enivré. Malgré les applaudissemens légitimes qu’il recueillait, il sentait le besoin de voir l’Italie pour compléter son éducation. Ses travaux à peine récompensés lui rendaient le voyage difficile, et pourtant il n’hésita pas. Parti à pied muni d’une bourse assez maigre, avec l’espérance d’aller jusqu’à Rome, il fut forcé de s’arrêter à Florence : sa bourse était épuisée. Déjà, pour subvenir aux besoins les plus impérieux, il avait mis ses hardes en gage, lorsque l’idée lui vint de se présenter chez un sculpteur en bois et de demander de l’ouvrage. Le maître l’accueillit avec un dédain railleur. « Je le veux bien, si vous êtes capable. » Pour toute réponse. Puget prit une feuille de papier et improvisa, au grand étonnement de son hôte, une série de projets imprévus et variés. Ornemens, bas-reliefs, figures en ronde-bosse naissaient à profusion sous sa main, et le maître n’hésita pas à lui confier de nombreux travaux. Au bout de quelques mois, Puget n’avait plus rien à souhaiter pour son bien-être matériel ; son maître le traitait comme un fils.

Cependant le jeune Marseillais n’avait pas renoncé à son rêve. Il voulait voir Rome et contempler à loisir tous les monumens de l’art antique réunis au Vatican et au Capitole. C’était là son ambition ; les promesses les plus séduisantes ne pouvaient l’en distraire. Au lieu donc de rester à Florence, où la fortune lui souriait, il partit pour Rome avec une lettre de son maître pour Pietro de Cortone qui jouissait alors d’un grand crédit. Tous ceux qui ont visité Rome savent à quoi s’en tenir sur le talent et le savoir de ce peintre si vanté par ses contemporains. Le plafond du palais Barberini, admiré d’abord comme une des plus vastes machines dont l’histoire ait gardé le souvenir, n’obtient pas aujourd’hui les suffrages des connaisseurs. La tradition signale dans cette œuvre plusieurs figures qui seraient de la main de Puget. Les moyens de contrôle nous manquent absolument ; aussi ne prendrai-je pas la peine de discuter le mérite de ces figures et de les comparer aux œuvres authentiques du statuaire que j’étudie. Tout ce que je peux affirmer sans crainte d’être démenti, c’est que le style de Pietro ne s’accorde guère avec le style de Puget. Le plafond du palais Barberini a quelque chose de théâtral qui ne se retrouve pas dans les œuvres de