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occupée à de chastes songes, je lui prendrais les mains pour les mettre sur mon cœur, et je lui donnerais mon anneau.

II

« Il ne faut à ma bien-aimée ni écrin de diamans, ni vêtemens de velours et d’or ; je ne veux pas de marbres dans sa petite chambre ; les boucles de ses cheveux n’ont pas besoin de parure.

« Mais dans le trésor sacré de son cœur, c’est là que doivent étinceler l’or et les pierreries ; je veux que son cœur, avec ses magnificences, soit un orfèvre, et le plus riche de tous.

III

« Je ne demande pas pour son visage la beauté qui éblouit. Ce ne sont pas ses yeux, ce n’est pas sa bouche qui doit m’enivrer ; mais je veux que son cœur me salue avec sérénité, son cœur croyant, son chaste cœur,

« Afin que la seule vue de ses traits me remplisse l’ame ainsi qu’une prière, afin que mon amour, chaque fois que je me séparerai d’elle, reste toujours en moi comme une pensée pieuse.

IV

« Je ne veux pas recevoir un gage de tes mains pour être assuré de ton cœur ; je ne veux pas de sermens qui te lient à moi, je ne veux pas de regards qui aie sourient amoureusement.

« Je veux seulement placer ma main sur la tête, et demander à ton ame comment elle est attachée au Seigneur ; cela seul me dira tout. »

Walther va partir pour la croisade avec l’empereur Barberousse. Déjà le jeune chevalier est prêt, et sa mère l’a recommandé à Dieu ; mais tout à coup des étrangers, montés sur des chevaux richement équipés, ont frappé aux portes du château. Ce sont des messagers venus d’Italie. Un comte italien et le père de Walther, naguère compagnons d’armes, s’étaient promis d’unir un jour leurs enfans ; le comte envoie demander à son ami la main de Walther pour sa fille Ghismonda. Ici maintes scènes de famille pleines de gravité et de charme, la réponse de la mère au messager, ses discours à son fils, tout un récit patriarcal où brille une sorte de majesté épique. Walther est parti, et son cheval l’emporte au galop à travers la Forêt-Noire.

Le joyeux tableau de Walther galopant ainsi vers le pays de sa belle fiancée termine avec art ce premier chant. La piété ascétique et les libres élans d’un cœur jeune se mélangent, ou du moins se succèdent d’une façon intéressante dans cette peinture. Le Walther de M. de Redwitz n’est peut-être pas l’image fort exacte d’un chevalier du moyen-âge ; on sent l’écrivain moderne dans les strophes du jeune Minnesinger, on aperçoit surtout le poète d’une réaction religieuse, un poète qui veut être strictement orthodoxe, un rigide amant qui interdit les regards tendres et les flatteuses paroles, et qui tout à coup, sans