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questions viriles ; au lendemain des secousses violentes, elle semble n’aspirer qu’au repos. La faiblesse naïve dont celle poésie catholique est empreinte était précisément la vertu magique dont elle avait besoin pour rompre les maléfices démoniaques. Un enfant a protesté, et sa voix, comme un exorcisme, a dissipé les influences maudites. Tel est le sens de ce gracieux récit d’Amaranthe adopté par l’Allemagne avec une sympathie si unanime ; telle est l’originalité de ce poète, M. Oscar de Redwitz, dont le nom s’est placé tout à coup au premier rang parmi les noms les plus aimés.

M. Oscar de Redwitz-Schmoelz est né, le 28 juin 1833, à Lichtenau, petite ville voisine d’Ansbach, au centre de la Franconie bavaroise. Il appartient à une ancienne famille du pays. Son père, M. Louis de Redwitz, a rempli long-temps des fonctions considérables dans l’administration publique ; sa mère, Anne de Miller, est la nièce d’un poète, Jean-Martin de Miller, qui a laissé un honorable souvenir dans l’histoire littéraire. Tout jeune encore. M. Oscar de Redwitz quitta sa ville natale pour la Bavière rhénane. Il séjourna à Kaiserslautern d’abord, puis à Spire, et enfin aux frontières mêmes de la France, dans la province des Deux-Ponts, où son père avait été appelé. C’est là que s’écoula son enfance. Après avoir terminé, au collège de Wissembourg, en Alsace, des études commencées à Spire, il alla passer cinq années à l’université de Munich, où il s’occupa surtout de philosophie et de jurisprudence. Revenu à Spire en 1846, il s’y prépara à la carrière de jurisconsulte, selon les désirs de sa famille ; mais la poésie s’était déjà emparée de son ame ; il menait de front, avec une ardeur extrême, et les travaux réguliers du droit, et la pratique enthousiaste de l’art auquel il avait l’ambition de consacrer sa vie. Son père mourut au printemps de 1848. Toute l’Allemagne était en feu ; de généreuses espérances, des aspirations patriotiques frayaient la route aux utopies ridicules et aux convoitises sauvages. Réduit à l’isolement par le coup qui venait de le frapper, le jeune poète ressentit plus fortement, au sein de ses afflictions domestiques, les tourmens de la vie sociale. La poésie lui offrait un refuge, il s’y enferma avec piété. La poésie n’est trop souvent qu’une chose extérieure à l’artiste, un emploi artificiel de l’intelligence où le sentiment moral n’a qu’une médiocre part ; elle était mêlée pour lui, dès le début, à toutes les émotions de la vie. Qui peut dire si sa tristesse particulière, jointe aux publiques inquiétudes, n’eût pas nui à la sérénité de son inspiration ? Heureusement pour l’écrivain, cette même année 1848 lui apporta des consolations précieuses. Quelques mois après la mort de son père, il se fiança à une jeune fille dont la douce influence est très visible dans son poème d’Amaranthe. C’est auprès d’elle, à une petite distance de Kaiserslautern, dans une paisible maison de campagne cachée sous une forêt de sapins, que M. de Redwitz