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« Que Dieu daigne bénir notre école ! Les disciples, c’est moi qui les appelai, non pas du haut de la chaire du maître : je veux être un disciple, moi aussi.

« Celui qui trône dans l’empire des esprits, celui-là est notre maître, c’est l’éternel seigneur et maître, c’est notre sauveur Jésus-Christ ! »

Telle est la confiance de ce juvénile enthousiasme ; l’écrivain arbore fièrement sa foi, et il a l’ambition d’en devenir le poète. N’est-ce pourtant qu’une reproduction des écoles qui déjà, par des procédés divers, ont essayé de créer une poésie catholique ? On a vu, au commencement de ce siècle, deux manières de comprendre cette tâche : les uns se rangeaient sous la bannière de M. de Maistre, et, jetant l’injure à l’esprit moderne, relevaient insolemment les âges théocratiques ; les autres cherchaient dans ces vieux siècles un mysticisme plein de grâce, ils se créaient un moyen-âge de fantaisie, et ils y marchaient au milieu d’éblouissemens continuels. Cette dernière école est l’école dite romantique au-delà du Rhin, l’école des Clément de Brentano et des Achim d’Arnim. L’ouvrage dont nous parlons n’aurait pas eu le succès qui l’a couronné, s’il ne se fût distingué par quelque nouveauté charmante ; il fallait surtout qu’il fût approprié à la situation et qu’il répondît au besoin des ames. Ni l’altière arrogance de M. de Maistre, ni le mysticisme artificiel de Clément de Brentano ne pouvaient convenir à l’Allemagne après les crises qu’elle venait de traverser ; elle était trop souffrante pour supporter les invectives amères, elle était trop fatiguée de l’abus des systèmes pour se plaire encore aux mystiques raffinemens. L’ouvrage qui l’a charmée brille par une grâce tranquille et sereine. Point de prétentions, point d’efforts ; c’est la simplicité d’une ame qui s’ouvre à la lumière, c’est le calme d’une journée qui commence. Un célèbre écrivain, M. Berthold Auerbach, vient de publier un roman sous le titre que Dante avait donné au récit de son adolescence ; il l’a appelé gracieusement Vie nouvelle, Neues Leben, et il a tâché d’y peindre les émotions de l’Allemagne au moment où elle entre dans cette carrière que les derniers événemens lui ont faite. Vie nouvelle, c’est bien en effet le mot de la situation présente. Il faut une nouvelle existence à cette Allemagne, qui, sous l’influence de tant de sophistes, en est venue à se renier elle-même. Ses traditions se sont rompues, son génie s’est voilé, le pays des idéales rêveries et des contemplations sublimes s’est perdu dans le matérialisme, comme le Rhin se perd dans les sables. Où irait-on plus loin dans cette voie ? Au-dessous des Feuerbach et des Stirner, il n’y a plus rien, on a touché le fond de l’abîme. Il est bien temps que l’Allemagne se cherche enfin et se retrouve. Avec le poète aimable qu’elle a si cordialement accueilli, il semble déjà qu’elle revienne à l’enfance. Plus tard, bientôt sans doute, elle sera redevenue assez maîtresse d’elle-même pour se mesurer de nouveau avec les