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même les faits sur ce point dans toute leur étendue, 220 millions de francs importés en numéraire.

Tant que le système protecteur régira la France, il paraît impossible de retirer à l’or son caractère de monnaie. Ce serait enlever à notre commerce un moyen indispensable d’échange. On lui interdirait ainsi tout rapport avec les peuples qui ne peuvent payer qu’en or ce qu’ils achètent, ou qui n’ont à nous vendre que des produits qui sont déjà exclus par notre tarif. L’or ne s’écoule que dans les contrées où il trouve un marché, et il n’y a de marché pour l’or que là où ce métal est à la fois marchandise et monnaie. Un bénéfice d’un demi pour 1,000 suffit aujourd’hui pour détourner le courant des métaux précieux. On ne doit jamais perdre de vue celle considération quand on s’occupe de la législation monétaire.

Au fond, le changement que l’on avait annoncé à grand bruit dans la valeur relative de l’or et de l’argent ne semble rien moins qu’imminent à cette heure. Si quelque révolution nous menace de ce côté, c’est bien plutôt une dépréciation simultanée et, commune aux deux métaux. Les esprits prévoyans ne se contentent pas d’en exprimer la crainte ; ils se prémunissent déjà contre les chances défavorables que l’avenir peut nous réserver. C’est une des causes, qui font rechercher aujourd’hui les actions de chemins de fer et les propriétés foncières. C’est ce qui explique l’abandon relatif dans lequel, je ne dis pas la spéculation, mais les capitaux de placement laissent les rentes sur l’état. On s’effraie des placemens dans lequel tout demeure fixe, le capital et le revenu. Ceux-là se trouveraient, en effet, les plus fortement atteints, dans le cas où l’argent viendrait à perdre de sa valeur, tandis que les actionnaires des chemins de fer conserveraient la chance de voir s’accroître leur revenu, et les propriétaires, celle de voir leur capital augmenter suivant la même proportion, dans laquelle la monnaie se déprécierait.

En me prévalant de ces faits, je n’entends nullement m’ériger en prophète, je me borne à indiquer un des symptômes de la situation. Le danger, s’il existe, n’est assurément pas prochain. Nous avons déjà vu l’usage des billets de banque prendre en France un développement qui, grâce à la bonne tenue de ces valeurs, produisait dans la circulation le même effet qu’un accroissement considérable du numéraire. Cependant la valeur des choses n’a point été altérée. Il est raisonnable de penser que l’abondance de l’or et de l’argent ne fera pas de haute lutte du moins ni en un jour ce que n’a pas fait l’abondance du papier de banque.

L’affluence des métaux précieux a été un événement en quelque sorte providentiel dans la situation révolutionnaire de l’Europe. Le crédit avait disparu ou hésitait presque partout entre les tempêtes de