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De 1840 à 1852, le commerce français a importé 10,175,312 kilogr. d’argent et en a exporté 3,688,279 kilogrammes. L’excédant de l’importation, soit 6,487,053 kilogrammes, représente une somme de 1,430,125,943 francs, ou 119,157,162 francs par année. En admettant que les besoins du luxe absorbent 15 millions par année et le frai 10 ou 12 millions, notre réserve monétaire en argent se serait accrue d’au moins 1,100 millions depuis 1840. Cela laisse une assez belle marge dans la circulation métallique de la France à l’accroissement de l’or. Quand l’importation de l’or excéderait désormais l’exportation d’une quantité annuelle égale à 200 millions de francs, avec cette réserve accumulée de 1,100 millions et avec un excédant annuel de 80 à 90 millions de francs sur l’importation et sur la consommation de l’argent, il faudrait au moins dix ans pour rétablir l’équilibre entre les deux métaux tel qu’il existait en 1840.

Je ne connais rien de plus téméraire que les prédictions ou même les prévisions tant soit peu tranchantes dans tout ce qui touche au commerce de l’or et de l’argent. La précision que la science économique apporte à l’observation des faits et la rigueur du calcul n’ont pas de prise sur des phénomènes qui varient au gré d’une infinité de causes ; mais il est permis de croire, quand on voit l’or obtenir une prime, malgré l’abondance croissante de l’importation et après que plusieurs peuples l’ont expulsé de leur monnaie, que la proportion établie par les lois des divers peuples entre l’or et l’argent ne sera pas troublée, si elle doit l’être, avant quelques années.

Au plus fort des alarmes que la Californie avait fait naître, on a proposé des mesures plus ou moins radicales. Quelques personnes auraient voulu que le gouvernement limitât les quantités d’or qu’il serait permis de frapper chaque année. Cet expédient, dans le cas d’une dépréciation, n’aurait été qu’une barrière 1res insuffisante, car les quantités importées et conservées en lingots n’en auraient pas moins augmenté l’accroissement et pesé sur le marché. D’autres avaient songé à modifier la proportion légale ; mais cette mesure n’aurait pas d’objet tant que l’or obtient une prime. Si l’or venait à être déprécié, elle serait dangereuse avant que l’expérience eût constaté une baisse large et d’une certaine durée ; mais, la dépréciation une fois avérée, il n’y aurait pas d’autre parti à prendre.

Reste la démonétisation de l’or. Sans doute, aucune base n’est plus rationnelle ni plus sûre pour la circulation que l’unité de l’étalon monétaire. En fait, dans toutes les contrées qui donnent concurremment à l’or et à l’argent le privilège de monnaie légale, l’un des deux métaux obtient toujours une prime sur l’autre et ne figure dans les paiemens qu’à titre d’accident. Logiquement, c’est bien assez de soumettre la valeur des choses aux variations du métal qui est pris pour signe