Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 15.djvu/747

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en récolter la laine, est allé aux mines pour tâcher d’engager quelques hommes. Il leur a demandé ce qu’ils voulaient de gages ; ils ont répondu qu’ils voulaient toute la laine. Et, comme le propriétaire partait, ils l’ont rappelé pour lui dire : — Maître, nous aurions besoin d’une cuisinière ; si la place vous convient, nous vous donnerons une livre sterling par jour. »

Sur les placers, la main-d’œuvre vaut au moins 1 livre sterling par jour. Les gens qui reviennent des villes avec un pécule ne veulent plus travailler, et se figurent qu’ils ont conquis le droit de vivre sans rien faire. Les denrées sont aussi très chères. Au mont Alexandre, la farine vaut 5 deniers la livre (près de 00 centimes le demi-kilogramme) ; le jambon et le beurre, 2 sh. 6 d. (environ 3 fr. 45 c. le demi-kilog.) ; l’avoine se vend 18 shillings le boisseau (64 fr. l’hectolitre). Au mois d’août, la farine ne valait encore que 3 deniers la livre, et l’avoine 4 shillings le boisseau sur le marché de Sydney, prix déjà très supérieurs à ceux des années de disette sur les marchés de l’Europe.

Deux causes principales ont concouru, dans toutes les contrées où la découverte d’un placer abondant a subitement enrichi les orpailleurs, à déterminer cette hausse prodigieuse des denrées les plus nécessaires à l’existence. D’abord, la population augmentant plus rapidement que les moyens de subsistance, le prix des alimens que l’on demande davantage doit nécessairement s’élever, et l’accroissement de valeur, en pareil cas, n’est nullement proportionné à l’insuffisance dans la quantité. Qui ne sait qu’un déficit d’un sixième ou même d’un dixième dans la récolte du blé en fait augmenter le prix souvent du double et quelquefois du triple ? La France et l’Angleterre l’ont éprouvé en 1846. On peut même affirmer que, sans la facilité des communications et le bon marché des transports, les conséquences de la disette eussent été alors bien autrement funestes. Faut-il s’étonner que, dans des contrées où la civilisation vient à peine d’être importée, qui manquent de routes, de canaux et de chemins de fer, le mal atteigne, dès le début, de gigantesques proportions ?

Une autre cause est l’abondance même des métaux précieux. L’or, quand on le ramasse à pleines mains, au lieu de l’acquérir par faibles parcelles et avec peine, perd infailliblement de son prix. Néanmoins, pour l’or comme pour l’argent, la diminution de valeur ne se manifeste que par l’augmentation du prix des choses. La valeur nominale du signe monétaire reste alors la même ; mais sa puissance décroît dans la mesure de l’accroissement de sa quantité, à moins que des causes extérieures, telles qu’une importation surabondante de denrées, ne vienne momentanément rétablir l’équilibre.

Aujourd’hui chaque progrès de l’extraction, en Australie, s’opère au détriment de la culture proprement dite ou de l’élève du bétail.