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point, au mois de décembre 1851, quinze mille mineurs, et les gisemens semblaient inépuisables.

Ici point de moyenne à établir, la fortune s’acquiert par des coups de filet. On cite comme rentrant dans les cas ordinaires, tantôt sept ouvriers qui ont amassé 500 onces d’or en trois semaines, soit, à 3 livres sterling l’once, qui est la valeur courante de l’or dans la colonie, environ 260 francs par jour et par tête ; tantôt deux mineurs qui ont réalisé dans le même laps de temps 400 onces, ou 735 francs par jour pour chacun d’eux. Un charretier qui n’avait jamais remué la terre se fit un pécule de 1,500 livres sterling en cinq semaines : c’est la proportion d’environ 800 francs par jour. Un transporté à peine émancipé de la veille obtint 150 livres en seize jours, ce qui donne 235 francs pour le salaire quotidien. Un ouvrier qui n’avait jamais su que l’errer les chevaux fut moins heureux, et rapporta néanmoins après cinq semaines de travail, 100 livres sterling, claires et nettes de toutes dépenses, fin garçon de quatorze ans, en moins de temps, récolta 400 livres sterling, et un autre du même âge 120 livres ; mais l’ambition des ouvriers allait au-delà : il n’y en avait pas un qui, en creusant un trou, ne conçût l’espoir d’en faire sortir une valeur de 40 ou 50 livres, sterling entre le lever et le coucher du soleil. Ces espérances étaient entretenues par des exemples qui tenaient du merveilleux, et dont le récit, circulant de groupe en groupe parmi les chercheurs d’or, passait bientôt à l’état de légende. On a vu un espace de quelques pieds carrés produire en peu de jours 45,000 francs. Quatre matelots, après six semaines de travail, chargeaient sur un chariot une cassette qui renfermait 200 livres d’or, environ 260,000 fr. Quatre autres ouvriers, après deux mois de travail, se sont partagé 1 million. On cite un mineur qui en a recueilli 25 livres en deux ou trois semaines, un autre qui a su amasser 11 livres en quarante-huit heures, un autre enfin qui, en moins d’une heure, a fait un monceau de trente livres, représentant plus de 38,000 francs. Et il faut noter que les mineurs ne perdent pas leur temps à récolter les paillettes et les grains d’or ; cela leur paraît trop peu de chose. Tout fragment qui n’a pas au moins la grosseur d’une tête d’épingle ou d’une féverole est rejeté sans examen. Il y aura de quoi largement glaner des trésors après ces moissonneurs dédaigneux et prodigues.

Dans les placers du mont Ophir et du Turon, où les profits de l’exploitation étaient d’abord modérés, on avait pu faire régner sans effort parmi les mineurs l’ordre, la sécurité et une certaine décence de conduite. Le capitaine Erskine de la marine royale, qui les visita vers la fin de juillet 1851, en rend le témoignage le plus favorable. Les mineurs l’accueillirent partout avec la plus parfaite civilité ; l’ordre et le bon accord régnaient parmi eux. Le capitaine Erskine ne rencontra