Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 15.djvu/739

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

C’est une vaste Arcadie, dont le côté poétique se trouve rejeté dans l’ombre par la préoccupation industrielle et quelque peu altéré par la corruption des mœurs. On l’a comparée plus exactement à une mine de lame et de suif. Vingt millions de moutons errent à cette heure dans ses pâturages. Dans les importations de l’Angleterre, la laine australienne a presque entièrement remplacé celles de l’Allemagne et de l’Espagne, et les manufactures du comté d’York ne peuvent plus s’en passer. En 1850, l’Australie en a exporté cent trente-sept mille balles, et cent trente mille en 1851. Cent trente mille balles représentent une valeur d’environ 65 millions de francs. La métropole reçoit de l’Australie pour trois millions sterling de matières premières, en échange desquelles trois millions d’objets manufacturés sortent des ports du royaume-uni. Il en résulte d’immenses profits pour le capital et pour le travail ; c’est ce commerce bienfaisant et florissant que les mines d’or ont compromis et menacent d’interrompre.

Un savant dont la parole fait autorité, sir Robert Murchison, commentant les travaux du comte Strelecki sur l’orographie de la Nouvelle-Galles du Sud, avait annoncé, dès 1845, que l’on trouverait de l’or sur les flancs de ces grandes chaînes qui ont leurs Alpes et leurs Pyrénées. À diverses reprises, des fragmens du précieux métal furent apportés soit à Sydney, soit à Melbourne, sans qu’on parvînt à convaincre le public qu’ils provenaient du sol même de la colonie. Au mois de mars 1851, un habitant moins incrédule que les antres, M. Margraves, qui revenait de la Californie, frappé de la similitude qui existait entre les formations géologiques des deux contrées, en conclut que l’or devait se rencontrer aussi dans la Nouvelle-Galles, et se mit résolument à fouiller le pied des collines ainsi que le lit des ruisseaux. En ayant trouvé des parcelles, il poursuivit son travail jusqu’à ce qu’il eût constaté la présence de l’or sur un grand nombre de points. Il se rendit ensuite à Bathurst, poste avancé de la colonisation vers l’ouest, appela le public autour de lui, annonça hautement sa découverte, et, pour joindre l’exemple au précepte, conduisit plusieurs habitans de la ville sur le théâtre de ses exploits, dans une petite vallée située au pied du mont Summer, où neuf mineurs étaient employés par lui à creuser activement et à laver la terre. Quatre onces de l’or le plus pur furent mises sous les yeux des assistans comme étant le produit de trois journées de travail. Chaque homme aurait ainsi gagné 2 liv. sterl. 4 sh. 4 d. (environ 61 francs) par jour : mais ce n’était, selon M. Margraves, que la moitié du gain probable pour un travailleur expérimente et pourvu de meilleurs outils.

Ceci se passait le 8 mai 1851. Le résultat de l’exploration étant connu, trois personnes partirent de Bathurst pour les lavages et revinrent quelques jours après, rapportant plusieurs livres d’or. En même temps, un géologue, désigné par le gouvernement local pour vérifier les assertions