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moitié fermiers, moitié chasseurs, y élevaient des troupeaux de bœufs dont la viande était dédaignée et dont les peaux brutes formaient le seul moyen d’échange. L’extraction de l’or n’a donc pu y troubler des relations déjà existantes ; elle est le phénomène, elle est le moteur qui a créé de toutes pièces et comme coulé d’un seul jet une colonie, une nouvelle société.

En Australie au contraire, et bien avant que les conséquences de cette découverte aient pu se traduire par des effets appréciables en Europe, l’exploitation des mines d’or est déjà une révolution. Les premiers lavages ne remontent pas au-delà du mois de mai 1851. À cette date, les colonies anglaises de l’Océanie étaient florissantes. La population d’origine européenne dans le groupe australien s’élevait à près de quatre, cent mille ames. La Nouvelle-Galles du Sud en particulier, qui comprend le district de Victoria, récemment érigé en une colonie distincte, renferme plus des deux tiers de cette population : c’est le siège principal de sa richesse et de son industrie. Les habitans, dont un grand nombre descend des transportés du siècle dernier, ont obtenu depuis 1850 des institutions représentatives et se gouvernent par leurs propres lois. Ils n’ont pas moins de cinquante et un journaux, les écoles et des banques publiques. Leurs principaux ports sont magnifiques et communiquent entre eux par de bonnes routes et par des lignes de bateaux à vapeur. Les grandes villes, parmi lesquelles il faut distinguer Sydney avec ses cinquante mille habitans et Melbourne avec trente-cinq mille, sont éclairées au gaz et ont une police organisée comme celle de Londres. Le luxe du mobilier et des toilettes y défie toute comparaison, et dépose des profits considérables que donne le travail. On a commencé la construction de deux chemins de fer. L’Australie a déjà une marine commerciale qui a concouru à approvisionner de farines la Californie en 1850. Son commerce avec la métropole est deux fois aussi important que celui des colonies américaines de l’Angleterre au moment où elles levèrent l’étendard de l’indépendance[1]. Le revenu colonial, sans parler du prix des terres dont la couronne dispose, et qui sert à former un fonds pour encourager l’émigration, s’élève à près d’un million sterling.

L’Australie produit le blé, le maïs et l’orge en abondance. On y a planté des vignes qui donnent d’excellent vin ; le tabac est cultivé avec succès et sur une grande échelle ; mais la fortune de cette colonie est la laine, pour la production de laquelle la vallée arrosée par les tributaires du Murray promet d’égaler la fécondité des régions méridionales des États-Unis dans la production du coton. L’Australie figure un poste avancé de notre civilisation au milieu des scènes de la vie pastorale.

  1. En 1848, les importations de l’Australie s’élevaient à 2,578,442 livres sterl. (65 millions de francs environ), et les exportations à 2,894,315 lïv. sterl. (environ 72 millions de francs). En 1850, le résultat a encore été plus considérable.