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fixent davantage. Le désordre du travail est un peu moins grand ; aussi la moyenne des produits parait-elle se relever. Les nouvelles de San-Francisco, à la date du mois d’avril, indiquaient des placers dans la vallée du Sacramento où la journée représentait de 15 à 20 dollars, et d’autres à la frontière de l’Orégon où la moyenne flottait entre 5 et 10 dollars. Sur la frontière de Sonora, le dépouillement de l’argile aurifère rendait 7 ou 8 dollars par jour avec les procédés d’extraction les plus grossiers ; on s’accorde à reconnaître que huit heures du travail le plus opiniâtre doivent produire partout de 6 à 8 dollars pour peu que le placer soit riche, et comme un mineur peut vivre en dépensant 2 à 3 dollars par jour, il aurait la perspective à ce compte d’un bénéfice de 4 à 500 dollars par saison. Cependant, suivant les plus récentes informations, les placers commençaient à s’épuiser. Cent mille mineurs, fouillant pendant trois ans les sables d’alluvion déjà explorés avec fruit par les premiers chercheurs d’or en 1848 et en 1849, ne devaient pas tarder à en arracher les dernières richesses. Restaient à exploiter les veines du quartz aurifère qui se ramifient jusqu’au centre de la Sierra-Nevada. Ce nouveau travail exige des capitaux considérables et les efforts combinés des grandes associations ; mais les tentatives de cette nature n’ont pas jusqu’à présent obtenu un grand succès. La richesse aurifère du quartz, en Californie, suffit et au-delà, dans les bonnes veines, pour rémunérer le travail, et les capitaux étrangers abondent à San-Francisco : d’où vient que les mines de quartz n’attirent pas l’esprit d’entreprise ? C’est que les capitaux ne rencontrent pas en Californie la condition préalable et essentielle de tout progrès dans l’industrie. La propriété dans les placers et aux mines manque de garanties ; elle n’est ni placée sous la sauvegarde des lois ni protégée par la force publique. La plus complète anarchie règne dans le nouvel état. Non-seulement les mineurs ont à défendre leur existence et leur butin contre les incursions des tribus indiennes, non-seulement les crimes et les délits sont communs dans leurs rangs, la terrible répression du Lynch-law leur tenant lieu de police et de justice ; mais chacun ne possède qu’en vertu du droit que s’arroge le premier occupant. Le mineur choisit l’emplacement qui lui convient ; un bras fort et une carabine dirigée par un coup d’œil sûr sont les autorités qui l’y maintiennent. Enlever un riche placer à un mineur trop faible pour faire résistance, cela s’appelle, dans l’argot des placers, conquérir un titre (to jump a claim). Le président des États-Unis n’a-t-il pas déclaré, dans son dernier message, que « les terres minérales resteraient accessibles à la concurrence de tous les citoyens, » et le secrétaire d’état de l’intérieur n’a-t-il pas ajouté que « l’occupation n’en serait soumise qu’aux règles que les mineurs eux-mêmes croiraient devoir adopter ? »

Au demeurant, il faut bien qu’à travers les chances d’insuccès et de