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On prétend qu’en exagérant l’impôt le gouvernement russe s’est proposé beaucoup moins d’entrer plus complètement en partage des bénéfices que d’arrêter ou de gêner le développement d’une industrie qui tend à démoraliser la population. S’il faut rapporter la mesure à des motifs d’un ordre aussi élevé, elle doit trouver grâce devant la critique. Quoi qu’il en soit, tant que le gouvernement jugera nécessaire de maintenir la surcharge récente de l’impôt, il ne serait pas raisonnable de supposer que la production de l’or se relèvera dans l’empire russe ; elle paraît provisoirement fixée à un chiffre qui, en tenant compte des quantités écoulées en fraude, doit être de 90 à 100 millions de francs par année.

Les Espagnols, ces infatigables chercheurs de trésors, qui mirent à découvert les richesses cachées dans les profondeurs de la Cordillère, ont possédé la Californie pendant plus de deux siècles. Dès 1662, Sébastien Viscaino, qui fonda Monterey, apprenait des Indiens dispersés dans le pays que cette belle contrée ; abondait en or et en argent. Cependant, au lieu d’y planter une colonie de mineurs pour fouiller le sol, les Espagnols y envoyèrent, et encore tardivement, des missionnaires qui, en proclamant l’Évangile chrétien, enseignèrent aux indigènes les premiers rudimens de l’état social et de l’agriculture. En 1846, il y avait à peine dix mille colons d’origine espagnole dans la Californie, lorsque quelques centaines d’aventuriers partis des États-Unis, à la suite du général Taylor, l’envahirent à main armée. Le gouvernement de l’Union lui-même, en exigeant la cession de cette province du Mexique, ne songeait qu’à un agrandissement de territoire. Ce qu’il lui fallait, c’étaient des ports sur l’Océan Pacifique et une colonie rivale de l’Orégon. Il ne se doutait guère qu’il allait trouver dans les vallées qui descendent de la Sierra-Nevada des mines d’or qui deviendraient le principal attrait de la colonisation, et dont les produits exubérans, dès la première moisson, se répandraient bientôt sur les marchés de l’Amérique ainsi que de l’Europe.

Le développement qu’a pris la population de la Californie est dû au succès vraiment fabuleux des premiers lavages. Les mineurs se fixaient d’abord naturellement sur les placers les plus riches ; ils défloraient les extractions plutôt qu’ils ne les épuisaient. C’était le temps où l’on découvrait fréquemment des pépites pesant plusieurs livres[1] ou plusieurs onces. Un manœuvre un peu expérimenté faisait fortune en quelques jours.

En juin 1848, M. Larkin, consul des États-Unis à Monterey avant la conquête, évaluait le travail du chercheur d’or en moyenne de 25 à

  1. La plus grosse pépite que l’on ait trouvée jusqu’à ce jour en Californie pesait 33 livres ; elle provenait des placers de la rivière Stanislas. Une pépite pesant près de 20 livres vient d’être trouvée près de San-Diego, à l’extrémité sud de la haute Californie.