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ne pouvaient plus s’opérer que très difficilement sous cette forme du numéraire. On conçoit donc que, partout où les lois monétaires n’étaient pas modifiées, la prime ait passé de l’or à l’argent.

Voici maintenant les causes de l’abondance temporaire et de la dépréciation de l’or, principalement sur le marché de Paris. Il n’en faut pas accuser la Californie, dont les envois n’ont commencé à alimenter notre monnaie que vers les derniers jours de décembre 1850. L’Angleterre elle-même n’avait reçu des États-Unis que de l’argent en 1850, et l’or qui était arrivé de la Californie par la voie directe de Panama ne figure cette année dans les importations britanniques que jusqu’à concurrence de 682,000 livres sterling (14,066,400 francs). La monnaie de Londres n’a frappé, en 1850, des espèces d’or que pour une valeur de 1,492,000 livres sterling (37,598,400 francs), ce qui exclut jusqu’à la possibilité d’une importation considérable.

Le marché de Paris a pu se trouver surchargé par les espèces que la démonétisation de l’or français en Espagne et en Portugal et de l’or tant indigène qu’étranger en Belgique a fait refluer sur notre territoire. Il convient d’ajouter que les Anglais importaient alors chez nous des sommes qui furent employées en achat d’actions de chemins de fer, et que l’on n’évalue pas à moins d’un million sterling ; mais la cause dominante de la dépréciation fut certainement la démonétisation de l’or en Hollande, car cette mesure eut pour effet d’annuler, comme valeur monétaire, et de rejeter d’un seul coup, comme valeur purement commerciale, sur le marché des richesses métalliques qu’égale à peine aujourd’hui, dans toute l’expansion de sa fécondité, la production annuelle de la Californie.

Les pièces d’or frappées en Hollande de 1816 à 1847 représentaient. 172,583,955 florins, environ 362 millions de francs. En supposant que les deux tiers seulement de cette somme aient existé encore à l’état de monnaie en 1850, voilà 115 millions de florins (230 millions de francs) retirés tout à coup de la circulation et rejetés sur le marché : comment la valeur des métaux précieux n’en aurait-elle pas été affectée ? L’or démonétisé équivalait à deux fois la production annuelle du globe avant la découverte des gisemens californiens. La monnaie de Paris à elle seule, qui n’avait frappé que 27 millions pendant le cours de l’année 1849, en frappait 85 millions en 1850 et 209 millions en 1851.

Heureusement la crise ne fut pas d’une longue durée. L’or monnayé en France s’écoula bientôt soit vers le Piémont pour solder les premiers versemens de l’emprunt, soit vers le Milanais en paiement des soies achetées par les fabriques de Lyon et de Saint-Étienne. Le crédit est peu développé en Italie. Cette contrée n’a pas de billets de banque qui simplifient les comptes et qui prennent, dans les paiemens de quelque valeur, la place des espèces. Elle ne saurait donc se passer de monnaie d’or.