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par excellence. Qu’y a-t-il, en effet, de plus nécessaire et de plus précieux dans ce courant de la richesse que d’établir une sorte d’échelle métrique qui en indique la rapidité et qui en jauge la profondeur ?

Des causes diverses n’ont pas permis de le faire jusqu’à présent d’une manière complète. D’abord, les pays producteurs d’or et d’argent sont généralement dans un état de civilisation peu avancée ; ils ne savent pas mieux appliquer la comptabilité à la gestion de la fortune publique qu’employer les machines dans l’industrie. Alors même qu’on enregistre, comme au Mexique sous la domination espagnole, les espèces frappées dans les hôtels des monnaies, ou que l’on mesure les trésors extraits des mines d’après l’impôt proportionnel que perçoit l’état, par le quint, il faut porter encore en ligne décompte les quantités qui échappent au contrôle du fisc, et qui prennent, pour se répandre à l’intérieur ou pour sortir du pays, la voie de la contrebande.

Quelle est la somme de métaux précieux que rend à un moment donné dans l’histoire chacun des pays producteurs ? Quelle est la proportion de ces produits qui, livrée à l’exportation, vient concourir à déterminer le prix de l’or et de l’argent sur les marchés régulateurs de l’Europe ? Comment se forment les courans commerciaux qui, tantôt dirigés de l’Orient vers l’Occident et tantôt de l’Occident vers l’Orient, distribuent la richesse métallique entre les peuples ? Tous ces problèmes que se pose la science pour éclairer sa marche resteront probablement sans solution en ce qui touche le passé. L’examen en devient plus facile quand il porte sur les intérêts et sur les faits contemporains, mais c’est à la condition de faire encore une très large part à l’hypothèse.

Au commencement du siècle, suivant M. de Humboldt, l’or et l’argent importés chaque année en Europe étaient dans le rapport de 1 à 55, soit de 15,800 kilogrammes d’or contre 869,960 kilogrammes d’argent[1]. M. Michel Chevalier, se plaçant non plus au point de vue de l’importation, mais à celui de la production, l’évalue à 23,700 kilogrammes d’or contre 900,000 kilogrammes d’argent[2], ce qui donne la proportion de 1 à 38 ; mais l’or de l’Afrique et de l’Asie méridionale, qui est compris dans cette évaluation, ne pénétrait sur le marché européen qu’en quantités infinitésimales. Ces importations accidentelles et peu considérables ne semblent avoir exercé aucune influence appréciable sur le rapport commercial des métaux.

De 1810 à 1830, si les calculs de M. Jacob sont exacts, la production de l’Amérique aurait subi une diminution d’environ moitié. L’Europe n’aurait plus reçu annuellement de cette source que 125 millions de francs. Comme la réduction a porté principalement sur le produit des

  1. 54,415,400 fr. en or et 193,324,444 fr. en argent, ensemble 247,739,644 fr.
  2. 81,634,000 fr. en or et 199,998,000 en argent, ensemble 281,632,000 fr.