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fois la quantité d’or annuellement extraite. Actuellement (1846) l’argent prédomine moins : nous sommes même revenus presque au rapport de 40 à 1. »

M. de Humboldt présente des calculs qui diffèrent légèrement de ceux de M. Michel Chevalier. Ce savant pense que l’importation de l’or américain fut, quant au poids, à celle de l’argent dans le rapport de 1 à 63 jusqu’aux premières années du XVIIIe siècle. Du reste, que l’on adopte l’une ou l’autre hypothèse, il n’en sera pas moins vrai que le rapport de poids entre les deux métaux a pu baisser de moitié dans le passage du XVIIe au XVIIIe siècle, non-seulement sans que le rapport de valeur baissât dans la même proportion, mais même sans qu’il fût sérieusement altéré. Ce résultat ne tend-il pas à prouver que l’or était particulièrement demandé, et que l’accroissement de la production ne fit que combler au XVIIIe siècle les vides que les progrès de la richesse et du luxe avaient opérés dans l’approvisionnement ?

Dans les temps anciens, le rapport de valeur entre les métaux précieux a dû être détermine d’une manière à peu près absolue par le rapport de poids qui se manifestait dans les quantités extraites des mines et apportées sur le marché. Une livre d’or a valu tantôt huit et tantôt dix livres d’argent, selon que le poids de l’argent mis en vente excédait huit ou dix fois celui de l’or. La simplicité des intérêts commerciaux, dans une société qui ne connaissait encore ni le luxe, ni les arts, ni l’industrie, ne laissait place à aucun autre motif de rechercher l’or ou l’argent, pour en faire une monnaie, que leur abondance ou leur rareté relative ; mais dès que la guerre a cessé d’être la vocation principale des hommes, et que le travail a commencé à être en honneur, on est sorti de cette ère patriarcale de la monnaie. Les besoins de la société ont perdu leur simplicité primitive. Le rapport de l’offre à la demande, pour l’or comme pour l’argent, n’a plus été déterminé exclusivement par la proportion des quantités extraites ou subsistant dans l’approvisionnement métallique. D’autres leviers de hausse ou de baisse ont commencé à agir concurremment sur les marchés.

Quand les métaux précieux étaient à peu près absorbés par les besoins de la circulation monétaire, leur valeur commerciale n’avait pas d’autre élément que leur utilité comme monnaie. La valeur monétaire de l’or et de l’argent dominait et déterminait leur valeur commerciale. Aujourd’hui c’est le contraire qui a lieu. Plus la civilisation se développe avec les exigences de l’industrie, des arts et du luxe, et plus les besoins de la consommation deviennent, en ce qui concerne les métaux par excellence, supérieurs à ceux de la circulation. M. Jacob, dont l’ouvrage sur les métaux précieux a paru en 1851, estimait à près de 149 millions de francs les matières vieilles ou neuves qui étaient alors converties en bijoux ou en vaisselle d’or et d’argent en