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majestueuse du Parmesan, mais je voudrais que la longueur des membres et des cols qui forme ces airs gracieux fût naturelle. Il manquait au Titien d’avoir vu l’antique, au Poussin d’avoir vu Titien. Lesueur, que je regarde comme égal au Poussin pour le dessin et l’expression, et comme le second après Raphaël pour les grandes conceptions de ses têtes et de ses altitudes, manquait de coloris comme le premier et n’avait pas les belles draperies du dernier. L’Albane n’a jamais peint un tableau où il n’y eût des figures raides et sans grâce, et, n’ayant presque jamais réussi dans les grands sujets, il doit être effacé de la liste des peintres parfaits. Le Dominiquin, dont on s’accorde à regarder la Communion de saint Jérôme comme le second tableau qu’il y ait au monde, était généralement cru de couleur, dur de contours, et manquait de la science du clair-obscur. En un mot, dans mon opinion, toutes les qualités du peintre parfait ne se sont jamais rencontrées que dans Raphaël, le Guide et Annibal Carrache. »


Dans les arts comme en beaucoup d’autres choses, Horace Walpole avait du goût plutôt qu’un excellent goût. Il faut le louer d’avoir éveillé le sentiment du beau chez ses compatriotes, de l’avoir dirigé vers des objets méconnus ou négligés, en leur apprenant à comprendre des beautés de styles divers ou de différentes époques. Une vraie originalité et même un léger penchant au paradoxe lui servirent à devancer et à exciter en divers genres le mouvement des esprits. Par exemple, ces collections que la richesse et la puissance britannique commençaient à former pouvaient bien être un luxe plus qu’un plaisir pour cette aristocratie, qui ressemble par quelques côtés à celle de Home. Plus d’un pair du royaume avait dit peut-être le mot de Flaminius à Corinthe. On ne sait si lord Orford jouissait bien savamment des richesses accumulées dans le château qu’il avait élevé sur l’emplacement de la modeste maison de ses pères : il ne voyait là, je suppose, que les décorations de sa grandeur ; mais son fils, qui puisait dans ses conversations intimes tant de souvenirs destinés à défrayer d’amusans mémoires, devait en échange lui offrir des jugemens, des comparaisons ou des réflexions ingénieuses qui entr’ouvraient aux yeux d’un vieux ministre le monde enchanté des choses de l’imagination.

Cependant les jours de Robert Walpole étaient comptés. Il mourut de la pierre le 28 mars 1745, ayant assez vécu pour voir l’opinion revenir à lui. C’était la conduite de ses successeurs qui la lui ramenait. Tous l’imitaient sans le faire oublier.

Lord Orford en mourant ne laissa pas une fortune proportionnée aux suppositions envieuses de ses ennemis. Il devait plus d’un million de francs, et son revenu foncier était estimé nominalement à deux cent mille. Son fils aîné, qui héritait du titre et du domaine, et qui devait, six ans après, mourir fort dérangé, aurait été tout-à-fait gêné sans son oisive et productive place d’auditeur de l’échiquier. C’était