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la portée des peuples les moins avancés dans les arts mécaniques et dans la science : ce sont des trésors que la nature a répandus à la surface du globe, et qu’elle a jetés pour ainsi dire sous les pas des premiers occupans. L’argent, au contraire, encastré dans les roches des terrains primitifs, ne se trouve guère qu’à de grandes profondeurs. L’extraction de ce métal exige des machines puissantes, toutes les ressources de la chimie, l’action combinée des volontés, des forces et des capitaux : c’est l’œuvre d’une civilisation déjà développée et sûre d’elle-même.

Presque tous les peuples de l’antiquité, quel que fût leur état social, ont connu l’usage et la valeur de l’or. De l’Inde à l’Ibérie et de l’Éthiopie aux régions hyperboréennes, il n’est guère de race ; campée ou établie sur le sol, qui n’ait débuté dans le travail industriel par exploiter ces richesses de la superficie. Quelle contrée n’a pas eu son Pactole ? Quel prince ou satrape n’a pas été thésauriseur comme Midas ou Crésus ? Le luxe des grandes monarchies qui se sont succédé dans la domination de l’ancien monde accuse une abondance de trésors métalliques que l’on n’a pas encore égalée de nos jours ; mais les sources de cette opulence incomparable ont tari l’une après l’autre. M. Dureau de la Malle fait remarquer qu’à partir de la mort d’Alexandre, les sables aurifères de l’Asie et de la Grèce s’épuisèrent ; ceux de la Gaule et de l’Espagne semblent avoir été abandonnés à la chute de l’empire romain. L’or a disparu depuis long-temps de la surface des contrées les plus anciennement habitées ; il ne peut plus venir, en quantités appréciables et qui affectent la circulation, que des régions qui restent à peu près fermées au commerce européen ou qui ont été découvertes dans les temps modernes.

En remontant le cours de l’histoire, on reconnaît que l’emploi de l’argent sous la forme de monnaie ne date pas d’une époque aussi reculée, et que ce sont les peuples industrieux et commerçans, et non les peuples conquérans, qui l’ont introduit dans les échanges. Il suffit de citer les Phéniciens, ces planteurs de colonies, les Athéniens et les Carthaginois. À la découverte de l’Amérique, on n’a trouvé de la monnaie d’argent que chez les deux nations qui formaient seules des sociétés policées, c’est-à-dire au Pérou et au Mexique. D’ailleurs, si l’argent vient plus tard que l’or prendre place dans la circulation, il s’y maintient avec plus de constance et de régularité. Les mines dont on l’extrait, pénétrant et se ramifiant dans les entrailles du sol, sont à peu près inépuisables. Il en résulte que la production de l’argent continue souvent lorsque celle de l’or est à son terme ; de là les variations que présente dans le passé le rapport des métaux précieux.

Les savantes recherches de Boeckh, de M. Letronne, de M. de Humboldt, de Jacob et de M. Dureau de la Malle ont jeté un grand jour sur