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même proportion que s’accroît leur quantité. Moins au contraire il y a d’espèces en circulation, et plus chaque fraction du numéraire a de valeur dans les échanges. Une parcelle de ce trésor suffit alors pour acheter une quantité considérable de produits, et l’on dit à volonté ou que les denrées, par exemple, sont à bas prix, ou, ce qui revient absolument au même, que l’argent est cher. Ainsi l’argent, du temps de Charlemagne, avait une puissance onze fois plus grande qu’aujourd’hui, ce qui veut dire qu’il était onze fois plus demandé et onze fois plus rare. On sait que la découverte de l’Amérique, en inondant de métaux précieux la circulation monétaire en Europe, amena dans leur valeur une subite et profonde dépréciation, qui, à travers de légères oscillations, tantôt en hausse et tantôt en baisse, subsiste encore de nos jours.

Non-seulement l’état du marché sert de mesure à la valeur de l’or et de l’argent par rapport aux autres marchandises, mais, pour en fixer la valeur relative, pour déterminer l’écart qui doit exister, selon les lieux et selon les circonstances, entre le prix de l’or et celui de l’argent, il n’y a pas d’autre base que l’abondance ou la rareté de chacun des deux métaux précieux, et l’indifférence ou l’empressement des acheteurs à l’égard soit de l’un, soit de l’autre.

Le rapport de l’or à l’argent est variable de sa nature. En vain le commentateur d’Adam Smith, Garnier, s’efforce d’établir que la valeur de l’or, dans les temps anciens, ne différait pas sensiblement de celle que ce métal obtient dans les temps modernes, et qu’elle représentait déjà, au rapport d’Hérodote, sous le règne de Darius en Perse, ainsi que du vivant de Platon en Grèce, poids pour poids et à titre égal, à peu près quinze fois la valeur de l’argent. La critique n’a pas tardé à démolir, à la lumière des textes et des faits, cette hypothèse plus ingénieuse que solide. Il reste démontré que l’argent ne tenait pas, dans la richesse métallique des anciens peuples, la place importante qu’il occupe dans la nôtre, et qui en fait l’agent nécessaire de la circulation.

Quand on cherche à s’orienter à travers les variations monétaires et à saisir un principe qui dirige l’observation, l’on ne tarde pas à reconnaître que l’écart qui existe entre la valeur de l’or et celle de l’argent augmente à mesure que la civilisation et l’industrie se développent. Ce n’est pas sans raison que la mythologie, transportant dans le domaine moral les analogies du monde physique, fait succéder l’âge d’argent à l’âge d’or. Historiquement, en effet, la découverte et l’exploitation des terrains aurifères ont dû précéder la découverte et l’exploitation des gisemens argentifères. L’or se rencontre presque partout à l’état natif, pur ou allié à l’argent ; en fouillant les alluvions des rivières ou des ruisseaux, on l’obtient par un simple lavage. Ce travail est à